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L’ŒIL DU PHARE

triturée sous les mains de trois générations, il serait aujourd’hui riche de quelques cents piastres et du souvenir de ses ancêtres, ou obéré d’hypothèques sur ses immeubles canadiens, en se consolant avec monsieur le curé de n’avoir rien troqué de son sentimentalisme patriotique. Au lieu de franchir la frontière du Canada en mercenaire, une première fois, il y a trente ans, et… plus heureux, n’est-ce pas, il y a un mois, ils n’auraient connu, lui et les siens, que les pauvres sentiers conduisant aux champs et aux bois, avec la route qui mène à l’église et au cimetière. Après lui, un autre Dupin aurait repris sa tâche dans les conditions pénibles de la petite épargne, du progrès lent et du rendement peu lucratif et incertain. Et vous appelez cela du patriotisme !

« Mon cher Jean, du haut de la double terrasse où s’étage la ville de Cincinnati, l’œil tombe sur la rivière Ohio qui se courbe gracieusement au sud et que sillonnent en tous sens des centaines de bateaux. Ce n’est qu’un filet d’eau, cette rivière, dépourvue de pittoresque et de grandeur,