parler de votre éloquence ; et bien qu’il soit fort peu disposé à vouloir se concilier la faveur des autres, il m’a chargé tout spécialement de vous saluer de sa part. Je m’acquitte de cette tâche avec le plus grand plaisir, autant à cause du message lui-même, que pour donner une preuve à Scaliger du plaisir que j’ai de faire ce dont il me charge. Je suis sûr que vous priserez hautement son savoir, car il est cicéronien et il est bien connu des érudits par le discours qu’il a publié pour défendre M. Tullius contre Érasme de Rotterdam. Ce message m’est aussi fort agréable, puisqu’il m’est une excuse pour vous écrire. Car, mon cher Dolet, je pourrais vous donner plus d’un témoignage de haute valeur pour vous prouver quel cas je fais et j’ai toujours fait de vous. Mais je m’étonne beaucoup que, dans le discours que vous avez prononcé dernièrement contre Pinache, vous attaquiez notre Aquitaine. Car, si je suis bien informé, cette province ne vous a jamais fait de mal. Vous dites que vous avez été provoqué par Pinache, et moi je vous réplique que vous auriez pu répondre à l’homme sans attaquer la province. Vous savez mieux que personne quel a été le mobile de votre entreprise, et je ne veux pas croire que vous vous soyez laissé aller à ces attaques à moins d’y avoir été poussé. On dit que Pinache n’a pas l’intention de répondre à votre discours, si bien que celui qui est la cause de toute cette fureur ne fera rien pour la calmer. J’aurais voulu qu’avant de s’engager dans ce conflit il eût mesuré ses forces, et qu’il se fût demandé s’il était en état à lui seul de vous imposer le silence lorsque vous auriez à répondre et à vous défendre. J’assiste à cette tragédie, mais je dois le dire, j’y assiste contre mon gré. Car je crains, mon cher Dolet, que vous ne soyez poussé je ne sais où et que, vous laissant aller à votre grande ardeur, vous ne soyez consumé réellement par votre colère, et enfin que, blessé ou vaincu, votre adversaire ne vous porte préjudice et même ne prépare des pièges qui menaceront votre vie. Adieu.
Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/148
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
122
ÉTIENNE DOLET