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ÉTIENNE DOLET

bien clairement que Dolet n’avait pas le moindre repentir, si toutefois quelque locus penitentiœ avait été possible. Il travaillait avec ardeur à ses commentaires sur la langue latine, son opus magnum, qu’il espérait et croyait devoir être, non sans quelque raison, l’ouvrage d’érudition le plus important qu’aurait vu le monde moderne. Entre temps, il se préparait à rompre une lance pour défendre Cicéron et Longueuil contre le plus populaire et le plus éminent écrivain et érudit du siècle.

Par la publication de son Ciceronianus (1528) Erasme avait excité la haine violente des cicéroniens. Le livre avait pour objet de tourner en ridicule ces pédants dont l’admiration pour Cicéron était telle qu’ils refusaient d’employer un mot ou une phrase qui ne se trouvaient pas dans cet auteur ; aussi quand ils traitaient un sujet chrétien étaient-ils obligés de faire usage des noms, des titres et des expressions les plus impropres lesquels ne convenaient qu’au paganisme. Quoi de plus absurde que d’appeler les apôtres Patres conscripti, la Vierge Marie Lauretana Virgo, ou de traduire excommunication par interdictio aquœ et ignis ? Les trois personnes de la Trinité étaient les Dii majores, les saints, les Dii minores. De plus les cicéroniens regardaient Cicéron non seulement comme un maître pour le style, mais encore comme un guide infaillible pour tous les sujets qu’il avait traités. Depuis longtemps Érasme avait traité ces sots pédants comme ils le méritaient, mais il faisait lui-même peut-être trop bon marché du style et de la forme, et jugeait tous les écrits d’après le poids et la valeur des questions traitées. Parlant de choses qui intéressaient son époque il employait librement toutes les expressions, qu’on ne saurait absolument qualifier de barbares, qu’il trouvait dans les auteurs latins, païens ou chrétiens. On connaissait depuis longtemps les opinions et les habitudes d’Érasme à cet égard, et les Italiens en particulier, qui étaient les chefs de la secte, ne pouvaient souffrir de se voir éclipsés par un barbare pour lequel le fond l’emportait sur la forme et le style, un barbare qui, tout en respectant