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ÉTIENNE DOLET

encore changé à l’égard de Dolet, bien qu’il ne lui eût pas confié (probablement par la bonne raison qu’il était en prison) la publication de cette édition.

Marot mourut en septembre 1544, et Dolet ne parle plus de lui dans aucun de ses ouvrages subséquents. L’épigramme que j’ai citée est le seul document que nous ayons sur cette querelle. Il est évident que si elle était dirigée contre Dolet, — c’est Lenglet du Fresnoy qui l’a fait remarquer, — Marot ne s’est pas montré bon prophète quand il dit « sans bruict mourras[1]».

  1. Ce que je rapporte ci-dessus est bien tout ce que l’on sait sur ce dissentiment présumé entre Marot et Dolet ; les éditeurs et les biographes du poète ont amplifié la chose, et ils se sont laissés aller à des conjectures qui ne reposent pas sur le plus petit fait, et qui portent gravement atteinte à la mémoire du malheureux Dolet. Parmi les épigrammes imitées de Martial, imprimées pour la première fois après la mort de Marot, nous lisons la suivante : « Contre l’inique, à Antoine du Moulin Masconnais, et Claude Galland.

    Fuyez, fuyez (ce conseil je vous donne)
    Fuyez le fol qui à tout mal s’adonne
    Et dont la mère en mal jour fut enceinte ;
    Fuyez l’infâme inhumaine personne
    De qui le nom si mal cimbale et sonne
    Qu’abhorré est de toute oreille saincte ;
    Fuyez celuy qui sans honte ne crainte
    Conte tout haut son vice hors d’usance,
    Et en fait gloire et y prend sa plaisance ;
    Quy s’aymera ne le fréquente donc.
    O malheureux de perverse naissance,
    Bien heureux est qui fuit ta cognoissance,
    Et plus heureux qui ne te cogneut onc !

    Un demi-siècle plus tard, un éditeur de Marot, François Mizière, s’imagina, apparemment en se fondant simplement sur la nature de l’épigramme, que l’inique en question était Dolet ; et inséra dans l’édition publiée par lui (Niort, Thomas Portau, 1596) la note suivante après l’ode qui commence par : Le noble esprit de Cicero Romain : — « Entre ces épigrammes à l’imitation de Martial, y en a un au dit Dolet, qui se commence « Tant que vouldras, jecte feu et fumée » et semble que le suivant soit encores contre lui. » L’ode Contre l’inique vient après.

    Cent trente six ans plus tard, en 1731, Lenglet du Fresnoy reproduisit comme de lui la note de Mizière, et des éditeurs subséquents ont donné l’épigramme (se fondant apparemment sur la note de du Fresnoy) comme étant dirigée contre Dolet sans avoir d’autre raison que le semble de François Mizière ; et M. Boulmier, qui est généralement si désireux de défendre son héros, n’a pas remarqué combien légers sont les motifs qui pourraient faire croire que l’épigramme s’applique à Dolet ; il l’a citée sans hésitation comme une pièce ayant trait à la