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CHAP. XIX. — MAROT ET RABELAIS

L’amitié de Dolet et de Rabelais se termina aussi malheureusement ; toutefois, ici, les causes de la querelle ne sont pas aussi complètement obscures. Leur intimité avait été très grande pendant quelque temps, c’est certain. Ce fut suivant toute probabilité pendant le séjour de Dolet à Lyon en automne (1534) que la dissection du cadavre d’un pendu fut faite par Rabelais au grand hôpital en présence des étudiants, — c’était la première fois, croyons-nous, que pareille chose se produisait ; dix ans plus tard seulement, Vesale devait faire ses démonstrations anatomiques devant les étudiants de Padoue. Cette dissection, à laquelle il n’est pas improbable que Dolet assista, causa évidemment une grande sensation à Lyon, et Dolet écrivit une ode en latin pour célébrer cet événement. C’est le cadavre qui est supposé parler :

Spectaculo lato expositus
Secor ; medicus doctissimus planum facit
Quam pulchre, et affabre, ordineque
Fabricata corpus est hominis rerum Parens.
Sectum frequens circumspicit

    querelle avec Marot. Mais Mercier de Saint-Léger est allé encore plus loin ; dans une note manuscrite (qui m’a été signalée par feu M. Baudrier), inscrite sur son exemplaire de La Croix du Maine, aujourd’hui à la Bibliothèque Nationale, il retranscrit la note de Mizière et ajoute : «L’éditeur s’est contenté de dire et semble que le suivant (Épigramme) soit encore contre lui. L’éditeur n’a osé rien affirmer, d’autant plus que Marot s’était montré dans différentes pièces l’ami de Dolet. Quoi qu’il en soit, si cet inique est réellement Dolet, il faut croire qu’il passait pour Pédéraste ou Non-conformiste ; car Marot dit à ses amis de fuir « celui qui, « sans honte ni crainte conte tout haut son vice hors d’usance. » J’ai cru de mon devoir de citer la note de Mercier afin qu’on ne m’accusât pas de passer sous silence certaines choses peu flatteuses pour Dolet, mais il suffit, pour le défendre de l’insinuation de l’abbé de Saint-Léger, de dire qu’on ne trouve rien qui donne raison à cette accusation ; elle n’a été confirmée dans aucune des nombreuses attaques dont Dolet a été l’objet. Si Marot désignait Dolet par l’inique et donnait à son épigramme le sens que lui prête Mercier, le poète n’aurait donc découvert les vices de son ami d’autrefois qu’après avoir été intimement lié pendant sept années, quelques mois ou même quelques semaines avant sa mort. Mais j’avoue que je crois inutile de discuter une accusation qui repose simplement sur le semble de Mizière et sur la déduction qu’a tirée de ce semble de Saint-Léger.