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CHAP. XXI. — NOSTRE MAISTRE DORIBUS

Dominicain de profession, avait alors une quarantaine d’années. Il s’était déjà fait une certaine réputation de prédicateur et, en le choisissant, les chefs de l’église firent preuve de ce jugement sage qui a toujours été un des caractères distinctifs de l’église de Rome et qui a toujours manqué à ses rivaux hérétiques.

Matthieu Orry possédait toutes les qualités requises pour les hautes fonctions d’inquisiteur général, il avait une science théologique suffisante, une connaissance convenable du droit canon et un flair très fin pour dépister l’hérésie ; d’autre part sa méthode persuasive et socratique arrachait sans peine aux hérétiques des confessions, des aveux et des contradictions qui rendaient les preuves extérieures peu importantes et permettaient aux juges de prononcer leur sentence sans violer le droit canon. Blasphemavit : Ouid adhuc egemus testibus ? Insistant en temps et hors de temps (insta opportune, importune), prêt à dépenser toute son énergie pour le service de l’église, il ne pouvait pas trouver d’occupation qui allât mieux à son esprit que celle qui consistait à pourchasser, juger et brûler les hérétiques[1]. Il voyageait sans cesse d’un bout de la France à l’autre.

Partout où un procès pour hérésie était imminent, même au delà des limites de sa juridiction, c’est-à-dire en dehors de la juridiction du parlement de Toulouse, il était toujours prêt à faire fonction d’assesseur auprès de l’évèque ou du vicaire général, et à se rendre utile en obtenant, ce qui était une

  1. «Je n’en cogneus jamais ung plus ignorant, ung plus maling, et plus appetant la mort et destruction d’un Chrestien.» Dolet : Epitre au roi mise en tête de sa traduction des Tusculanes. Parfois il se laissait gagner par des sous d'argent. Lamothe-Langon (vol. III, liv. 16) dit : « Orri n’était méchant que pour ceux qui ne finançaient pas en sa bourse. Il devenait doux et facile à l'égard de ceux qui le payaient ; dans la ville de Sancerre, par exemple, il traita avec modération lesprotestants qui lui donnèrent de bon vin ; et pour une somme ronde on obtint de lui d’excellents certificats de catholicité." L. L. se fonde sur l’autorité de Gœzmann : La Jurisprudence du Grand Conseil examinée, vol. I, P. 22. Voyez aussi Th. de Bèze : Hist. ecles. I. 13.)