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CHAPITRE XIII.

Nous y apprenons encore que la forêt de Dourdan est plantée en taillis de chênes, sur lesquels il y a des baliveaux de dix à cent-vingt ans d’assez mauvaise essence et qualité ; que le terrain n’y est point propre aux arbres de haute futaie ; que les coupes ordinaires ne portent que sur les taillis ; que, depuis 1635, 300 arpents de baliveaux ont été vendus et coupés extraordinairement ; enfin que le débit des bois est limité aux riverains, à cause de la difficulté des transports et des communications ; en somme, que la forêt de Dourdan est en fort mauvais état, par suite des dégâts qui s’y commettent impunément depuis longtemps.

Ceci n’était qu’un sommaire procès-verbal. L’arrêt du Conseil d’État de 1641 avait ordonné la « réformation générale des eaux et forêts, » et le tourde Dourdan était venu en l’année 1665. M. Barillon, ou plutôt M. Legrand, son subdélégué, vint s’établir dans la ville, et commença à parcourir en tous sens la forêt à réformer. Messire François Hautemps, contrôleur des eaux et forêts de Dourdan, tenait la plume, et M. Martin de Récard, sieur de Saint-Martin, gruyer garde-marteau, avec le substitut du procureur du roi, le greffier et quatre gardes, escortaient et dirigeaient l’enquêteur dans son information[1].

Les abus étaient nombreux, car le volumineux procès-verbal de cette visite n’est qu’une longue complainte. Règle générale, tout ce qui avoisine les villes ou les villages, Dourdan, Rochefort, Saint-Arnoult, Sainte-Mesme, est gâté et dévasté. Dans chaque vente, le taillis est « rabougry et abrouty des bestiaux, le hault bois est esbranchez et eshouppez. » De grands arbres étouffent le taillis, de vieilles souches, coupées à deux pieds de terre, pourrissent sur place. — Viennent les explications : les délits sont très-anciens ; à la faveur des troubles du siècle précédent, de mauvaises habitudes se sont prises ; la misère les a perpétuées. Les pauvres gens se chauffent, et leurs bêtes paissent aux dépens du roi : il n’y aurait pas là grand crime ; mais les paysans se transportent la nuit, par bandes armées, dans les bois. Il en vient de fort loin ; et comme dans les grandes plaines de Beauce les arbres sont rares, c’est à Dourdan que se donnent rendez-vous, pour faire leurs provisions, de hardis maraudeurs. Des conflits s’élèvent à toute heure entre les gardes et les délinquants : menaces, violences, meurtres, les braconniers osent tout, et des procès, des jugements sont là qui témoignent de leur incorrigible audace.

Arrivent ensuite les révélations : à la vente de Beauchesne, les arbres de futaie ont disparu. C’est M. de Sancy qui les a vendus, il y a quarante ans, pour en faire de l’argent. — A la Fresnaye, tous les grands arbres sont coupés. C’est M. de Bautru qui les a fait prendre, « pour le feu des cheminées du chasteau, pour la conservation des meubles. » Or, personne n’ose ajouter que le brave gouverneur a commencé par faire disparaître lesdits meubles jusqu’au dernier. — A Louye, il a

  1. Archives de l’Empire, O. 20,436.