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LES PRISONS.

ges-le-Roy et le prieur lui même, chez qui il avait été élevé. En exécution de la sentence du lieutenant criminel de Dourdan, le misérable fut, le samedi 17 janvier 1756, jour de marché, au milieu d’une foule énorme, conduit avec un écriteau devant le portail de Saint-Germain pour y faire amende honorable et y avoir le poing droit coupé. Torturé sur la place, et prenant plaisir, dit-on, à son propre supplice, rompu vif, il expira sur la roue et ses cendres furent jetées au vent[1].

La bande de Renard[2]. — Vers 1760, une terreur indicible régnait dans Dourdan et dans tous les environs au sujet d’une bande de voleurs et d’assassins qui désolait le pays. Ils commettaient des crimes jusqu’aux portes de la ville ; presque en même temps on entendait parler de leurs méfaits aux extrémités de la Beauce ou du pays chartrain ; on les croyait loin, ils reparaissaient à l’improviste pour disparaître encore. Leur chef s’appelait Renard. On racontait des choses étranges de son audace et de son adresse à se déguiser. Véritable cauchemar des cavaliers de la maréchaussée de Dourdan, il leur avait joué des tours qui tenaient du prodige. À la porte du château, au cabaret devant l’église, il avait eu le front de venir boire avec eux, d’exciter leurs imprécations contre Renard, puis de se démasquer tout à coup, de sortir en les défiant, et de s’enfuir comme le vent sur son petit cheval volé au facteur de Vitry, tandis que les gendarmes culbutaient l’un après l’autre sur la selle de leurs chevaux dont Renard avait coupé les sangles avant d’entrer. Capitaine d’une véritable armée, Renard jouissait en souverain de son impunité, décidait à sa fantaisie les expéditions et donnait des saufs-conduits. Sa tête fut mise à prix, et il fallut les justices combinées de toute la contrée pour le saisir lui et sa troupe (19 janvier 1764).

Ils étaient trente-six, qui défilèrent chargés de chaînes dans la cour du château de Dourdan pour être incarcérés dans la grosse tour. De toutes parts on vint voir passer, comme des animaux malfaisants, ces êtres redoutés, aux sobriquets mystérieux et bizarres : Renard, encore terrible sous les fers, Tournetalon, le Lapin, le Parisien-Bancal, Soubriat, le Soldat, le Bâtard, Va-de-bon-Cœur, le Petit-Étienne, Dur-à-Cuire, etc. Il y avait aussi des femmes : la petite Chartraine, Suzanne, Marie-Anne, etc. Tous furent écroués dans les trois étages de la tour. Au rez-de chaussée, deux cachots séparés avaient été organisés pour les séquestres. Dans la salle haute, rangés en cercle le long des parois, attachés à d’énormes anneaux, Renard, Soubriat et les plus terribles vivaient côte à côte, enchaînés comme des bêtes, à peine éclairés par l’unique fenêtre trois fois grillée. Durant de longs mois, l’instruction se poursuivit,

  1. Son supplice est rapporté par Denisart, comme exemple de la peine des parricides.
  2. D’après deux in-folio manuscrits contenant toutes les pièces du procès de Renard, que nous avons retrouvés dans les greniers de M. Roger, et qui seront déposés à la mairie.