Page:Chronique d une ancienne ville royale Dourdan.djvu/394

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
378
APPENDICE II.

ciennes mines, passe la Rémarde. Si l’on franchit la vallée et si l’on remonte en face sur l’autre versant, on voit à mi-côte, adossé au bois, un manoir seigneurial qui donne au paysage un pittoresque caractère. Château, forteresse, maison des champs, le Plessis-Marly ou Plessis-Mornay, avec ses tourelles, ses combles parfaitement restaurés, ses longues fenêtres à vitraux plombés, ses hautes lucarnes pointues, les pans de ses murs crénelés et les tours ruinées de son enceinte, conserve toute sa couleur et tous les souvenirs de l’hôte célèbre qui y vécut au xvie siècle. Le fief du Plessis, relevant de Magny-Lessart, comprenant plus de deux cents arpents de terre et près de trois cents arpents de bois, avec plusieurs arrière-fiefs et avec des droits de censive et de justice, formait au xive et xve siècle une belle seigneurie appartenant aux sieurs de Harville, seigneurs de Palaiseau. Dans un partage de famille, au commencement du xvie siècle, l’aîné garda le manoir et la moitié des biens. C’est cette part qui fut possédée par la dame du Bec et le sieur de Mornay, son fils. On connaît l’histoire de Philippe de Mornay, l’austère calviniste, le véritable représentant du protestantisme en France sous la Ligue, le « pape des huguenots » comme on l’appelait ; à la fois politique, homme de guerre, théologien et écrivain mystique, ami de Henri IV, recherché pour son habileté, disgracié pour sa rigueur. De sa terre du Plessis, qu’il habitait et quittait tour à tour, comme on le voit dans ses mémoires, il négociait les plus délicates affaires et, pendant le siège de Dourdan en 1591, de continuels messages s’échangeaient entre le camp de Biron et la demeure du plénipotentiaire du roi de Navarre. Près du manoir fortifié, s’abritait un consistoire ; et des familles qui avaient embrassé la réforme se serraient autour de ce centre de religion et de parti. De Saumur, où il commandait pour le roi, Philippe de Mornay n’oublia pas son église du Plessis, et une clause de son testament assurait une rente au pasteur, aux « entiens » et surtout aux pauvres de son consistoire[1]. Louis XIV, après la révocation de l’édit de Nantes, accorda à l’hospice de Dourdan les matériaux du temple et la rente du consistoire du Plessis.

Le baron de Saint-Héranne (1626), Pierre Chartier, avocat au conseil (1668) et enfin le prince de Guéménée qui le joignit à Rochefort, possédèrent le Plessis[2]. Aujourd’hui c’est une des plus belles annexes du domaine de Bandeville. M. de Pourtalès a acheté, restauré, complété par l’acquisition des bois et des terres qui l’environnent, le château du Plessis-Mornay. Une école pratique de culture agricole et horticole l’occupe sans le défigurer. De grands bâtiments d’exploitation, des champs

  1. L’hospice de Dourdan a dans ses archives une expédition de cette clause. — Voir le chapitre de l’Hôtel-Dieu de Dourdan.
  2. La part des puinés, toujours possédée par les de Harville, fut vendue aux seigneurs de Bandeville en 1679. — Arch. de Bandeville.