Page:Chronique de Guillaume de Nangis.djvu/355

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
340
CHRONIQUE

cinq mille Sarrasins seulement, il arriva qu’avant que les deux armées en vinssent aux mains, Jean tomba de sa litière, et mourut de cette chute. Cet accident abattit tellement le courage des Chrétiens, que, quoiqu’ils vissent que leurs ennemis, en si petit nombre, étaient faciles à vaincre, aucune prière, aucune récompense ne purent les engager à combattre ce jour-là. Ledit tuteur et oncle du jeune roi de Castille, presque hors de lui, passa tout nn jour, par un soleil ardent, à parcourir l’armée, pour la déterminer à se mettre en mouvement et à attaquer l’ennemi ; mais, voyant qu’il ne pouvait réussir, suffoqué par l’excès de la chaleur, et aussi le cœur brisé, il expira lui-même. Alors toute l’armée des Chrétiens prit la fuite ; et quoique les Sarrasins eussent pu facilement les vaincre, cependant à leur tour aucun d’eux n’osa poursuivre les fuyards ; d’où un chevalier sarrasin dit au roi de Grenade, qui n’était pas présent à cette affaire : « Vous saurez que le Seigneur est offensé contre nous et contre les Chrétiens : contre eux car quoique cause de leur grand nombre ils eussent facilement pu triompher de nous, Dieu ne le leur a pas permis ; contre nous, car lorsque nous aurions pu les prendre et les tuer dans leur fuite comme de faibles enfans, Dieu ne l’a pas voulu, et nous a retenus. » Vers ce temps de nombreuses et graves disputes s’élevèrent en Allemagne à l’occasion de l’élection contentieuse de deux ducs, entre Louis duc de Bavière, Frédéric duc d’Autriche, et ses frères Léopold, Henri, Othon et Jean, qui ravagèrent réciproquement leurs terres par le pillage et la flamme. Ce mortel fléau réduisit au veuvage bien des femmes en Alle-