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CHRONIQUE

d’Angleterre, très-violemment irrité contre elle par de mauvais conseils et surtout par le seigneur Hugues, appelé le Dépensier[1], avait mandé dans tous les ports que si on l’en voyait approcher, on s’en emparât, comme coupable du crime de rébellion aux ordres du roi et de sa cour. Ce que voyant, la reine prit avec elle le seigneur Jean de Hainaut, homme noble et puissant, habile et expérimenté dans la guerre, et trois cents hommes d’armes, et aborda, non sans qu’elle et les siens eussent été bien tourmentés, à un port où les Anglais ne croyaient pas qu’elle passerait, à cause de sa grande distance de la France et des dangers qu’on y court. Dans la traversée, l’une des femmes de sa maison mourut de la crainte et du trouble que lui causait la mer, et une autre enfanta un avorton avant le terme. Étant, comme nous l’avons dit, arrivée à ce port avec les siens, les gens du port, qui avaient reçu l’ordre du roi de s’en emparer, prirent les armes, et se disposèrent à accomplir le plus promptement possible les ordres du roi. Mais la reine, prenant une sage résolution, sans armes et sans aucun appareil de guerre, par le seul pouvoir de la prudence et de la douceur, apaisa leur barbare fureur. Les ayant appelés à une entrevue, elle leur présenta son fils, qui devait être un jour leur roi et leur seigneur, leur affirma qu’elle voulait entrer en Angleterre, non pour causer des troubles au roi son seigneur ou au royaume, mais pour attaquer les mauvais conseillers du roi, qui, par leurs conseils pernicieux, semblaient l’ensorceler, et par là trou-

  1. Spenser.