Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 1, 1865.djvu/23

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et de vérités, de vices et de vertus, de sang et de flammes, de vieilles et de nouvelles idées, il s’apprêtait à faire jaillir la lumière et la vie, et tout un monde nouveau.

Et cette fois cependant, il ne voulut procéder qu’avec le concours d’instruments humains. Il créa les Pères de l’Église, et en fit les démiurges, les pères du monde nouveau. Était-ce trop, pour les approprier à son œuvre, de leur donner le talent, l’éloquence, la vertu, le courage, la soif du bien, la puissance de l’accomplir, la grandeur des vues et du caractère, la triple autorité du savoir, du génie, de la sainteté ? Dieu les fit dignes de lui, grands par l’esprit, grands par le cœur. Ils furent plus que de grands hommes ; ils furent des saints !

À un autre point de vue que celui des mœurs, la tâche des docteurs chrétiens, à cette époque, était encore très-ardue. Ce n’était pas seulement avec l’ignorance, la routine, le vice, les passions populaires qu’ils avaient à lutter, mais contre la philosophie, éternel adversaire de la foi, de venue maintenant l’auxiliaire inattendu du polythéisme qu’elle avait longtemps conspué. Ce fût le moins du Amas incohérent de philosophique fables grossières, il n’avait rien qui pût attirer ou retenir sous son joug les intelligences. Il avait suffi à l’Évangile de le regarder en face pour le faire chanceler sur ses fondements ; et, malgré les fureurs dont la politique impériale l’avait armé, il tombait sous le poids de sa propre absurdité, autant que sous les coups de ses adversaires, quand la philosophie entreprit de lui rendre, sous une autre forme, la vie qui l’abandonnait.

Il est vrai qu’au moment où parut le Christianisme, la philosophie avait perdu son prestige. Ses grandes et célèbres écoles étaient tombées ; et, à part quelques rares stoïciens drapés dans leur orgueil, elle semblait ne se survivre à elle-même, et n’était représentée dans le monde n’est pas que le polythéisme inonde que par l’Épicurisme, théorie trop commode du plaisir et du vice pour ne pas compter toujours de nombreux sectateurs. Cependant, au milieu de cette prédominance universelle du sensualisme, bien des esprits restaient tournés vers les spéculations philosophiques, et s’agitaient, sans pouvoir les résoudre, autour de ces grandes questions de Dieu, de l’âme, de l’avenir, dont l’humanité, à aucune époque, même dans ses plus grandes défaillances, ne se détourne complètement. Un phénomène moral, tel que l’Évangile, dut attirer leur attention. Ils furent frappés de l’austère beauté de ses enseignements, que ses disciples commentaient éloquemment dans leur vie par un courage incontestable et de touchantes vertus. Les plus sincères, les plus logiques embrassèrent, avec une noble ardeur, cette lumière surnaturelle, qui régénérait à la fois leur intelligence et leur cœur. Le plus grand nombre en resta à l’étonnement vis-à-vis d’une doctrine qui, paraissant répondre à quelques-unes de leurs pensées, les renversait toutes. La foi chrétienne demandait trop à leur orgueil. Mais en repoussant son joug, ils ramassaient sur sa route les étincelles de son flambeau. De là, les vérités mêlées à leurs erreurs, et cette élévation de langage, nouvelle dans leur bouche, qui accuse le plagiat. Ils ont beau s’en défendre, leur enseignement s’est modifié d’une manière visible au contact d’un autre enseignement : il a suffi de l’ombre du Christ projetée sur eux pour faire jaillir, dans leurs ténèbres, de précieuses clartés.

Ce fut l’origine de la nouvelle école qui, s’élevant sur les débris des anciennes, à la lumière de l’Évangile, arbora le drapeau de Platon, dont elle altérait la doctrine, et se proposa la double restauration de la philosophie et du polythéisme, en les modifiant l’une par l’autre, et par un compromis impossible entre des idées empruntées aux sources les plus diverses, aux rêveries de l’Orient, aux mythes de la Grèce, aux théories de Platon et de Pythagore, au judaïsme, au Christianisme lui-même qu’elle voulait à la fois imiter et combattre. Quelques-uns, parmi ses maîtres les plus illustres, avaient commencé par être Chrétiens ; et, d’ailleurs, le Christianisme occupait dès lors une place trop élevée et trop vaste dans le monde, il avait saisi trop fortement les intelligences par la grandeur et l’autorité de ses enseignements, pour qu’il fût possible, même à ses adversaires les plus déclarés, de ne pas compter sérieusement avec lui, dès qu’il s’agissait d’une combinaison doctrinale quelconque. Et n’est-ce pas dans l’orgueilleux désir d’opposer à son influence croissante, une barrière intellectuelle savamment calculée, que se trouve, en grande partie du moins, la raison d’être de ce néo-Platonisme, produit hybride du polythéisme, dont il fut le dernier soutien, et de la philosophie, dont il se disait le plus noble organe et le plus complet résumé ?

Partant de cette idée, souvent émise depuis, que les divers systèmes religieux, en crédit