Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 1, 1865.djvu/27

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fatiguer l’Église tout le ive siècle, et de la tenir dans un qui-vive perpétuel. La guerre qu’il avait faite au Verbe, Macédonius, avec le même acharnement, la fit au Saint-Esprit. Dans l’agitation, produite par ces attaques violentes ou perfides contre le dogme, Bonose, Helvidius, Jovinien, Vigilence s’élèvent contre la vie par faite du Christianisme et la beauté de sa morale. L’honneur virginal de la Mère du Christ est mis en question, le culte des Saints bafoué ; et déjà, dans le crépuscule du siècle, Théodore de Mopsuette fraie la route à Pélage et fait pressentir Nestorius, tandis que le Priscillianisme, impur mélange de manichéisme, de gnosticisme, des plus mauvais éléments, des plus mauvaises hérésies, nie la Trinité, l’Incarnation, le libre arbitre, autorise le parjure, condamne le mariage, pousse aux excès les plus immoraux.

Le schisme aggravait la situation. Sans contester le dogme, des esprits moroses et durs s’en prenaient à la discipline, attaquaient la hiérarchie, élevaient autel contre autel ; et, sous les apparences d’un zèle ardent pour la pureté des mœurs chrétiennes, sapaient tout principe d’organisation, désespéraient les âmes par les excès d’un rigorisme implacable, disputaient au sacerdoce son titre le plus beau, celui d’être le dispensateur des pardons du Ciel, et mettaient à néant l’Évangile, où respire, avec une connaissance si profonde de la faiblesse humaine, une miséricorde infinie. L’ambition, la vengeance, la jalousie, l’orgueil blessé, l’entêtement étaient au fond de toutes ces dissidences, quel qu’en fût le drapeau, et, en ébranlant le fondement de l’unité, créaient à l’Église des épreuves et des périls non moins redoutables que l’hérésie. Les Donatistes sous le nom de circoncellions, ensanglantaient l’Afrique ; et dans quelques villes éminemment chrétiennes, Antioche par exemple, les fidèles eux-mêmes se divisaient dans le choix des pasteurs et formaient deux églises dans une église.

L’habitude des empereurs païens, d’être les chefs de la religion, comme de l’état, entraîna les empereurs chrétiens sur une pente fatale. Il y avait dans le sacerdoce catholique un pouvoir trop élevé et trop obéi pour ne pas exciter leur jalousie, et de bonne heure ils laissèrent voir la prétention de le dominer. Sous prétexte d’éviter à l’État le contre-coup des querelles religieuses, ils s’ingéraient dans la théologie, prenaient parti pour ou contre le dogme, s’arrogeaient le droit d’imposer les croyances, et décoraient du nom de dévouement, leurs efforts pour placer l’autorité spirituelle dans un état de tutelle et de dépendance. La protection que l’Église acceptait de leur part, se changeait vite en oppression. L’appui qu’ils prêtaient à la vérité dans quelques circonstances, était tristement compensé par le concours qu’ils donnaient plus souvent à l’erreur. Le servilisme et l’ambition de quelques membres du clergé secondaient cette malheureuse tendance d’une politique sans grandeur et sans portée, et appelaient à chaque instant l’intervention des Césars dans les choses du sacerdoce. Ceux de Byzance furent plus portés que ceux d’Occident à cette usurpation subreptice de la suprématie religieuse ; d’abord parce qu’ils n’avaient pas devant eux la grande figure de la papauté pour leur imposer et les contenir ; ensuite parce que, dans leur aveugle amour de l’autocratie, ils crurent assurer doublement leur indépendance de Rome, en créant à l’ombre de leur trône, dans la métropole de l’Orient, un grand centre de sacerdoce, sur lequel ils comptaient bien avoir la main. Cette politique, de séparation et d’orgueil mal avisé, ne leur réussit que trop pour le double malheur de la civilisation et des âmes.

Telle était, au ive siècle de son histoire, la situation du Christianisme. Il avait vaincu, il régnait. Mais pour asseoir et organiser sa victoire, pour en tirer les fruits divins qu’elle promettait, pour prendre pleine possession de ce monde qu’il venait régénérer, que d’obstacles à surmonter, que de prodiges à accomplir ! Il avait devant lui, contre lui, le paganisme vivace, des goûts, des mœurs, du langage, attaché aux âmes comme une lèpre rentrée ; l’empire dé mantelé, croulant, qui menaçait d’écraser tout sous ses ruines ; une civilisation condamnée, défendant à outrance ses vices et ne conservant de ses anciennes grandeurs que sa corruption ; les barbares s’avançant à grands pas, et portant avec eux des espérances inconnues et des malheurs trop visibles ; le relâchement, la mollesse, l’ignorance, l’insubordination, l’esprit rétrograde et païen de ses propres disciples ; dans l’abaissement des caractères et la dissolution de toutes choses, la fièvre des esprits s’agitant sans prévoyance autour de questions brûlantes, et remplissant de vaines disputes un monde qui avait tant besoin de se reposer dans la vérité ; la philosophie recueillant toutes ses rancunes, toutes ses forces, et tentant, à l’aide d’alliances