Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 1, 1865.djvu/28

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nouvelles, un suprême effort pour ravir l’empire à la foi ; les cent tes de l’hydre de l’hérésie souillant toutes à tous les dogmes, s’acharnant les vérités, et, sous les coups qui l’abattent, versant encore dans les âmes des flots de poison ; l’orgueil et l’entêtement du schisme ; la politique jalouse et envahissante des empereurs ; la disposition d’une partie du clergé à vendre au pouvoir civil, pour quelques avantages temporels, la dignité et la liberté de l’Église ; l’infamie des grands, l’abrutissement du peuple, le scepticisme mêlé à la superstition, l’orgueil et l’insolence dans l’avilissement, la soif des jouissances et de l’or rendue plus vive par le mal heur des temps ; l’éternelle aversion de tous les vices contre la vertu, de toutes les lâchetés contre le courage, de tous les mensonges contre la vérité : voilà quels ennemis entouraient, éteignaient le Christianisme triomphant, embarrassaient sa marche, et menaçaient, s’il n’avait eu qu’une existence humaine, de l’étouffer et de l’éteindre dans sa victoire ! Et c’est dans cette fermentation de tants d’éléments divers, dans le chaos de toutes ces résistances, dans cette immense anarchie des intelligences et des cœurs, qu’il avait à faire prévaloir et fonder l’unité, la charité, la sainteté, l’Évangile !

Au milieu d’une lutte si vaste, si complexe, si animée, si féconde, éclate sa force divine. Comme elle avait suscité les martyrs, elle suscite les docteurs, et jamais les défenseurs illustres ne manquent à la cause de Dieu. Au fort de la mêlée, on les voit surgir à propos, dominant tout de la taille et de la voix. Le chef immortel, dont ils sont les soldats, les arma lui-même de pied en cap pour les grands combats de la parole et de la pensée. Il leur a ouvert tous les trésors de la science et de la sagesse cachés en Jésus-Christ[1]. Les grandes âmes des Apôtres et des Prophètes revivent dans leurs âmes. Ils portent au front l’empreinte lumineuse de leurs communications avec Dieu. Quand la poussière de tant d’écroulements, la fumée de tant d’incendies, les nuages condensés de tant d’erreurs enveloppent le vieux monde d’une épaisse nuit, merveilleuses constellations du génie et de la foi, ils montent à l’horizon, versant au milieu de ces ombres des flots de lumière[2], et marquant au ciel le pôle immuable d’un monde nouveau.

Entre ces astres de première grandeur, non loin de saint Athanase, à côté de saint Augustin, apparaît saint Jean Chrysostome. Son nom, synonyme de la charité aussi bien que de l’éloquence, rayonne dans l’histoire du Christianisme du plus pur éclat. Le Ciel s’était plu à réunir sur cette existence privilégiée tous ces dons de la grâce et de la nature qu’il partage d’ordinaire à plusieurs de ses favoris, la splendeur du talent, la magnificence et la royauté de la parole, une âme intrépide et grande, l’enthousiasme de la foi, la passion du bien, l’amour sublime des âmes qui fait les apôtres, la science et le sentiment les plus profonds de l’Évangile, une charité féconde en prodiges ; et l’on peut dire que l’auréole des Saints a rarement couronné la tête d’un plus grand homme. Rien n’a manqué d’ailleurs à la grandeur de cette vie, ni la hauteur du rôle, ni la solennité des circonstances, ni la persécution, ce piédestal des grandes destinées, ni la suprême consécration du martyre[3]

L’histoire d’un tel homme n’est pas une simple biographie. C’est l’histoire du sacerdoce catholique ; une page de cette grande histoire et sublime de la vérité de la lutte incessante contre l’erreur, de l’unité contre l’anarchie, de la charité contre l’égoïsme, de l’esprit chrétien contre le paganisme toujours abattu et toujours vivant, de l’Évangile en un mot, pour l’affranchissement, le progrès moral, la glorification de la nature humaine contre les idolâtries et les tyrannies de toute espèce qui la déshonorent et l’asservissent.

Bien que ce surnom de Bouche-d’or, qui lui fut décerné par un peuple enthousiaste et qui est demeuré attaché à sa mémoire comme le rayon du Sinaï au front de Moïse, signale tout d’abord à notre admiration le grand orateur, Jean doit être considéré surtout comme un grand docteur, un grand pontife, un grand apôtre. II était mort à peine, que son nom faisait autorité dans l’Église. Saint Nil, saint Isidore de Peluse. saint Augustin, saint Léon, saint Célestin, les papes, les conciles louaient l’abondance et la pureté de sa doctrine, et l’appelaient à l’envi un grand homme, un docteur éminent, l’honneur du sacerdoce, la colonne de l’Église, le sage inter prète des secrets de Dieu, le flambeau de la vé rité, la lumière du monde[4]. Parmi ces hommes

  1. Paul, ad. col., c. 2.
  2. Grég. le Grand, I. 9, Moral., c. 6.
  3. Cass., de Incarn., 1. 7, c. 30.
  4. Saint Nil, epist. 199 et 265, 1. 2, et Ti. 279, 1. 2 ; saint Isid. Pelus., ep. 152 et 156 ; saint August., Jul., 1. 1, c. 6 ; saint Léon, ep. 106 ; saint Célestin, ad eler. et pop. Constin.; saint Cyrille Alex., ep. 3, Cone. Eph., p, 117 ; Cassien, de lncarn. Verbi, 1. 7, c. 30 et 37 ; Théod, dial. 1 ; Brev. rom., in 27 januarii.