Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/101

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 « Vous avez refleuri », contient à la fois un blâme et un éloge. Il n’est pas sans mérite, en effet, de refleurir après avoir été desséché ; mais aussi la négligence a été pour eux l’unique cause de ce malheur. « Jusqu’à reprendre pour moi les sentiments que vous aviez autrefois » : il montre qu’ils ont eu la sainte habitude de se montrer généreux en pareils cas, de là ces mots : « Que vous aviez autrefois ». Encore pour ne pas laisser croire qu’après avoir été si charitables, ils se soient tout à coup entièrement desséchés, il montre que sur un point seulement ils se sont oubliés, et s’attache à le déclarer ainsi avec une extrême précaution : « Vous avez enfin refleuri pour moi », comme s’il ne faisait porter l’avis que sur ce point seul ; « enfin », car (c’est du moins mon interprétation), dans les autres cas, vous n’avez pas cessé d’être bienfaisants.
Mais quelqu’un pourrait ici opposer l’apôtre à lui-même. Il a déclaré, objecterait-on, « qu’il a plus de bonheur à donner qu’à recevoir ; mes mains », ajoutait-il, « ont travaillé pour mes besoins personnels et pour ceux de mes compagnons d’apostolat ; j’aime mieux mourir », écrivait-il aux Corinthiens, « que de souffrir que quelqu’un me fasse perdre cette gloire ». (1Cor. 9,15) Aujourd’hui, au contraire, il n’a aucun souci de perdre cette gloire et de la voir s’anéantir. Et comment ? En acceptant l’aumône. S’il a pu dire : Ma gloire est de ne rien recevoir, pourquoi l’abdiquer aujourd’hui ? Comment répondre à cette objection ?
C’est que, dans le premier cas, il avait une excellente raison de refuser ; il combattait les faux apôtres qui voulaient paraître tout à fait semblables aux vrais ministres de Dieu, et trouver en cela sujet de « se vanter ». Il ne dit pas qu’en cela ces misérables montraient ce qu’ils étaient, mais qu’ils se vantaient, montrant ainsi que ces gens savaient bien recevoir, mais en secret ; et c’est pourquoi il écrit : Qu’ils se vantaient de leur désintéressement. (2Cor. 11,12) – Mais néanmoins saint Paul acceptait les présents des fidèles, sinon à Corinthe, du moins ailleurs. C’est pourquoi il disait non pas absolument et simplement : « Je ne me laisserai pas ravir cette gloire », mais avec restriction : On ne me la ravira pas « dans toute l’Achaïe », après avoir écrit quelques lignes auparavant : « J’ai dépouillé les autres églises, en recevant d’elles l’assistance dont j’avais besoin pour vous servir ». (2Cor. 8,1 et seq) Il déclare donc lui-même qu’il avait coutume d’accepter.
D’ailleurs Paul avait bien le droit de recevoir, pendant qu’il s’imposait un si rude travail ; mais des ouvriers qui ne font rien, comment auraient-ils ce même droit ? – Mais, dira l’un d’entre eux, je donne mes prières ! Ce n’est pas un travail, puisque tout en travaillant vous pouvez prier. – Mais je jeûne ! Ce n’est pas encore là travailler. Notre bienheureux, vous le verrez en maints passages, unissait le travail à la prédication.
« Vous n’aviez pas l’occasion », ajoute-t-il. Qu’est-ce à dire ? Ce n’était pas négligence chez vous, c’était une impossibilité, puisque vous n’aviez rien de disponible, vous n’aviez pas de superflu ; c’est le sens de ces mots : « Vous n’aviez pas l’occasion ». Paul emploie ici une manière commune de parler. Car c’est ce que disent la plupart des gens quand la fortune leur manque et qu’ils sont dans la gêne.
« Ce n’est pas le besoin qui me fait parler ». Si j’ai dit : « Qu’enfin une fois encore » vous avez été généreux ; si je vous ai fait un reproche, ce n’était pas pour pourvoir à mes intérêts ni pour soulager ma détresse ; non, tel n’était pas mon but. – Cependant, ô apôtre, votre langage ici ne respire-t-il pas l’amour-propre ? – Non, car déjà aux Corinthiens il disait : « Nous ne vous écrivons rien que vous n’ayez lu ou que vous n’ayez connu par vous-mêmes ». (2Cor. 1,13) Croyez donc qu’aux Philippiens non plus, il ne tenait pas un langage qu’on aurait pu facilement réfuter. Il ne leur parlerait pas ainsi, assurément, s’il voulait se vanter ; car sa lettre arrivait à des gens qui le connaissaient, et le blâme lui serait arrivé de leur part plus éclatant et plus ignominieux. Aussi à ceux-ci même il pouvait dire : « J’ai appris à me contenter de l’état où je me trouve ». – « Il a appris », parce que c’est une vertu qui s’acquiert uniquement par l’exercice, l’étude et la ferme volonté. Loin d’être aisée à conquérir, elle est très difficile et très laborieuse : J’ai appris à me suffire « dans l’état où je suis. Je sais vivre pauvrement, je sais vivre dans l’abondance ; je suis fait à tout » ; c’est-à-dire, je sais me contenter de peu, supporter la faim et la disette, l’abondance comme les privations. – Soit, dira