Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/226

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et dont le fruit est si doux, sort de ce grain d’une forme si laide. Et enfin, répondez-moi, n’est-ce pas de l’eau seulement qui tombe d’en haut ; et comment cette eau, qui est une par sa nature, subit-elle de si nombreuses transformations ? Car voilà qui est bien plus merveilleux que la résurrection. Là même germe, même planté, même substance, une grande parenté ; ici, dans la pluie, une seule et même qualité, une seule et même nature ; comment donc subit-elle de si nombreux changements ? La vigne produit du vin, et non seulement du vin, mais, et des feuilles, et la sève. Et en effet, ce n’est pas seulement la grappe, mais tout le reste, tout ce qu’on voit dans la vigne, qui en tire sa nourriture. Et de même l’olivier produit, avec l’huile, tout ce qui sort de l’olivier ; et remarquez cette merveille : ici l’humide, là le sec ; ici le doux, là l’aigre ; ici l’astringent, là l’amer ; d’où viennent, répondez-moi, tant de changements ? Donnez-moi l’explication ; impossible à vous. Et maintenant, considérez-vous vous-mêmes, je vous en prie, car voilà un, sujet qui est plus près de vous. Cette première semence, comment se change-t-elle de manière à former des yeux, des oreilles, des mains, un cœur ? D’où lui viennent tant de formes qui la dessinent ? Ne voyez-vous pas, dans le corps, d’innombrables différences de figure, de grandeur, de qualité, de position, de puissance, d’harmonie ? Comment des nerfs, des veines, des chairs, des os, des membranes, des artères, des muscles, des cartilages et bien d’autres choses particulières, que les médecins connaissent et dont ils parlent d’une manière exacte, qui sont des attributs de notre nature, comment tout cela vient-il d’une seule et même semence ? Cette merveille ne vous semble-t-elle pas bien plus complexe, bien plus inexplicable ? Comment l’humide et le mou se réunissent-ils de manière à former ce qui est dur et froid, à former un os ? de manière à produire le chaud et l’humide, réunis dans le sang ? le froid et le mou, réunis dans le nerf ? le froid et l’humide, réunis dans l’artère ? D’où vient tout cela, répondez-moi ? D’où vient que vous ne doutez pas ? Ne voyez-vous pas, chaque jour, la résurrection et la mort dans l’écoulement des âges ? Où s’en est allée la jeunesse ? D’où est venue la vieillesse ? Et comment ce quia vieilli, ce qui ne peut pas se donner la jeunesse à soi-même, enfante-t-il, dans un autre, l’enfance, plus jeune que la jeunesse ? Que ce que l’on ne peut se donner à soi-même, on le donne à un autre ?

3. C’est ce que nous montrent et les arbres et les animaux. Pourtant, ce qu’on donne à un autre, on devrait d’abord se le donner à soi-même ; mais c’est là une exigence de la raison humaine : quand Dieu agit, il faut que tout cède. Si ces mystères sont inexplicables, à tel point qu’il n’est rien de plus inexplicable, je ne puis m’empêcher de penser aux insensés dont l’esprit se travaille sur la génération incorporelle du Fils. Nous portons, dans nos mains, des choses mille fois étudiées, que nul ne peut comprendre. Comment donc se travailler ainsi au sujet de cette génération ineffable, inexprimable, répondez-moi ? Ne faut-il pas que la pensée succombe à scruter de telles profondeurs ? À quels vertiges ne s’expose pas l’esprit qui veut fixer son regard sur ces mystères ? N’éprouvera-t-il pas un éblouissement à le rendre stupide ? Eh bien ! non, ces esprits sont incorrigibles ; ils ont la vigne, ils ont le figuier, dont ils ne peuvent rien dire, et les voilà, sur Dieu, qui se travaillent ; car enfin, répondez-moi, comment ce grain se résout-il en feuilles et en souches ? Comment produit-il ce qui n’était pas, ce qu’on ne voyait pas auparavant en lui ? Mais ce n’est pas, me répond-on, un effet du grain ; tout ce travail vient de la terre. Eh bien ! alors, comment, sans ce grain, la terre ne produit-elle rien d’elle-même ? Mais ne déraisonnons pas. Ni la terre, ni le grain ne produisent cet effet ; c’est l’œuvre du Seigneur, qui commande à la terre et aux semences. Aussi, tantôt sans aucune semence, tantôt avec des semences, il a produit tout ce qui reçoit la naissance : tantôt il s’est contenté de montrer sa puissance, comme quand il dit « Que la terre produise de l’herbe verte » (Gen. 1,11) ; tantôt, il veut en nous montrant sa puissance, nous instruire, nous enseigner l’activité courageuse qui accepte les labeurs avec joie.

Pourquoi ce discours ? Ce n’est pas sans dessein ; c’est pour réveiller notre foi à la résurrection. Quand il nous arrivera de vouloir tout comprendre par notre seule raison, si l’intelligence nous est refusée, il faut que nous sachions nous résigner avec douceur, il faut que nous sachions nous abstenir avec sagesse, réprimer nos pensées, nous réfugier dans cette