Tous ceux-là sont saints qui reproduisent dans leur vie l’orthodoxie de la foi ; quand ils ne feraient pas de miracles, quand ils ne chasseraient pas les démons, ce sont des saints. Allez vers les tentes des saints. Pour un saint, se réfugier dans un monastère, c’est comme s’enfuir de la terre au ciel. Vous ne voyez pas là tout ce qu’on voit dans vos demeures ; ce lieu est pur de tout ce qui souille, là règnent le silence et la tranquillité ; on n’y connaît pas le tien et le mien. Mais, si vous y demeurez un jour ou deux, vous éprouverez plus de joie. Le jour vient, ou plutôt, avant le jour, le coq a chanté. Ce n’est point l’aspect d’une maison, où les serviteurs ronflent encore, où les portes sont fermées et où tous les habitants endormis ressemblent à des morts ; où le muletier agite ses clochettes. Là, rien de semblable ; mais tous sans retard cessent pieusement leur sommeil et se lèvent, réveillés par leur supérieur ; alors debout, formant un chœur saint, étendant leurs mains, ils chantent les hymnes sacrées. Il ne leur faut pas comme à nous des heures entières pour secouer le sommeil et la pesanteur de tête. Mais, à peine nous sommes-nous dressés sur nos lits que nous retombons pour étendre longtemps les bras. Plus tard nous nous lavons le visage et les mains, puis nous prenons nos chaussures, nos vêtements, et un long temps se passe.
4. Là, rien de pareil ; point de serviteur pour les appeler ; on se suffit à soi-même ; point tant de vêtements à prendre, point de temps pour secouer le sommeil, mais à peine ont-ils ouvert les yeux que les sobres habitants du monastère sont aussi éveillés que s’ils l’étaient depuis longtemps. Car, lorsque le cœur n’est pas appesanti et incliné vers la terre par la nourriture qui remplit l’estomac, il faut peu de temps pour recueillir ses esprits ; on le fait vite quand on est sobre ; les mains sont propres, le sommeil est bien réglé, on n’y entend pas ronfler ni haleter ; nul ne s’est jeté à bas de son lit ni dépouillé durant le sommeil ; mais ils ont, en dormant, une attitude plus décente que des gens éveillés ; et tout cela grâce à l’ordre parfait qui règne dans leur âme. Ce sont, vraiment des saints et des anges parmi les hommes. Leur grande crainte de Dieu ne leur permet pas de s’engourdir dans le sommeil et d’y ensevelir leur intelligence ; mais, en leur procurant le repos, le sommeil ne s’étend qu’à la surface de leur être, et leurs songes ne sont point l’œuvre d’une imagination désordonnée ni étrange. Mais, comme je le disais, le coq a chanté et aussitôt le supérieur s’est mis en marche ; il a simplement touché du pied chaque moine endormi et les a tous fait lever, car il ne leur est pas permis de se dépouiller pour dormir. S’étant donc levés, ils se tiennent debout, chantant les hymnes des prophètes avec un grand accord et une modulation cadencée. Ni cithare, ni flûte champêtre, ni aucun instrument de musique ne produit des sons tels que ceux que l’on entend lorsque ces saints chantent dans leur solitude, au milieu d’un calme profond ; chants salutaires et respirant l’amour de Dieu. « Durant les nuits, étendez vos mains vers Dieu » (Ps. 133), dit l’Écriture ; et ailleurs : « Dès la nuit mon esprit veille vers vous, ô Dieu, parce que vos commandements sont une lumière sur la terre ». (Is. 26,9) Les chants de David produisent des sources de larmes. En effet, lorsque l’on chante : « Je me suis fatigué dans mes gémissements ; chaque nuit je laverai mon lit, j’arroserai de mes larmes ma couche ». (Ps. 6,7) – « Je mangeais la cendre comme du pain ». (Ps. 51, 10) – « Qu’est-ce que l’homme pour que vous vous souveniez de lui ? » (Ps. 8,5) – « L’homme est devenu semblable à ce qui est vain, et ses jours passent comme une ombre ». (Ps.143,4) – « Ne craignez point quand un homme est devenu riche et quand la gloire de sa maison s’est multipliée ». (Ps. 48,17) – « C’est Dieu qui fait habiter ensemble des hommes dont les mœurs s’accordent ». (Ps. 67,7) – « Sept fois le jour je vous ai loué pour les jugements de votre justice ». (Ps. 118,1.64) – « Je m’éveillais au milieu de la nuit pour confesser devant vous les jugements de votre justice ». (Id. 62) – « Dieu, rachetez mon âme de la main de l’enfer ». (Ps. 48,16) – « Quand je marcherais au milieu des ombres de la mort, je ne craindrais point de mal, parce que vous êtes avec moi ». (Ps. 22,4) – « Je ne craindrai point la terreur de la nuit, ni la flèche qui vole durant le jour, ni ce qui marche dans les ténèbres, ni les mauvaises rencontres, ni le démon du midi ». (Ps. 90,5-6) – « Nous avons été estimés comme des brebis pour la boucherie ». (Ps. 43,22) Quand ils chantent avec les anges, car les anges aussi chantent alors avec eux : « Louez le Seigneur du haut
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