Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/340

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des cieux » (Ps. 148,1) ; et cela à l’heure où nous bâillons, où nous ronflons, où nous sommes étendus sur nos lits et où nous méditons mille fraudes, que penser d’hommes qui emploient si saintement les nuits ?
Lorsque le jour va paraître, ils se reposent un peu, et, à l’heure où nous commençons nos travaux, le temps de prendre du repos est venu pour eux. Quand le jour a paru, chacun de nous appelle quelqu’un, calcule l’argent distribué, court à la place, va trouver un magistrat, tremble et craint pour les comptes qu’il doit rendre ; un autre se rend sur la scène, un autre à ses occupations. Pour les moines, après qu’ils ont achevé leurs prières du matin et leurs hymnes, ils s’adonnent à la lecture des Écritures ; il en est aussi qui out appris à transcrire des livres. Chacun se retire dans la chambre qui lui est assignée et s’y tient dans une tranquillité constante, sans que personne bavarde ou même parle. Ils disent Tierce, Sexte, None et les prières du soir, partageant la journée en quatre parts, et à la fin de chacune, ils louent Dieu par leurs hymnes. Tandis que tous les autres hommes dînent, rient, jouent et se gorgent d’aliments, eux s’appliquent à chanter ses louanges. Jamais de temps pour les plaisirs de la table et des sens. Après le repas, ils se livrent aux mêmes occupations, ayant d’abord fait la sieste ; car, au lieu que les gens du monde dorment le jour, eux ils ont veillé la nuit. Ce sont vraiment des enfants de lumière. Les gens du monde, après avoir perdu un long temps dans le sommeil, marchent tout appesantis ; eux, toujours sobres, restent longtemps sans nourriture, adonnés au chant des hymnes. Quand le soir est venu, les autres vont se baigner ou se reposer ; pour eux, ayant achevé leurs travaux, ils s’approchent de la table sans mettre en mouvement une troupe d’esclaves, sans courir la maison, sans désordre ; ils ne chargent point leur table de mets somptueux, exhalant l’odeur des viandes, mais les uns se contentent de pain et de sel, d’autres y joignent de l’huile, d’autres, les plus faibles, font usage d’herbes potagères et de légumes. Puis, après être demeurés peu de temps assis et ayant clos la journée par des hymnes, chacun va dormir sur un lit de feuilles fait pour le repos et non pour le luxe.
5. Là, point de crainte des magistrats, point d’orgueil insensé des maîtres, point de terreurs des esclaves, point d’agitation des femmes ni de tapage des enfants, point de multitude de coffres ni de réserve inutile d’habits, point d’or ni d’argent, point de garde ni de précautions, point d’office ni rien de semblable ; tout respire la prière, les hymnes, la bonne odeur spirituelle ; rien de charnel ne s’y trouve. Ils ne craignent point l’arrivée des voleurs, car ils n’ont rien à perdre ; point de richesses, ils n’ont que leurs corps et leurs âmes ; si on leur prend la vie, ils n’en éprouvent point de tort, mais plutôt un avantage. « Ma vie, c’est le Christ, et la mort m’est un gain » (Phil. 1,21) : ils seraient alors délivrés de leurs liens. Vraiment, « la voix de l’allégresse est dans les tentes des justes ». (Ps. 117,15) On n’entend là ni sanglots ni lamentations ; leur toit est exempt de ces peines et de ces clameurs. Ils meurent dans les mêmes sentiments, car leurs corps ne sont point immortels, mais ils ne pensent pas que la mort soit une mort. Ils accompagnent avec des hymnes ceux qui sont décédés, et ils appellent cette cérémonie une conduite et non des funérailles. Si on leur apprend que tel ou tel est mort, c’est une grande et douce joie ; on n’ose pas même dire : Il est mort, mais plutôt : Il a achevé sa carrière. Puis ce sont des actions de grâces, on le glorifie, on se réjouit ; chacun prie Dieu d’avoir une semblable fin, de sortir ainsi du combat, pour voir le Christ à la fin de ses combats et de ses travaux. Si quelqu’un d’eux est malade, ce ne sont point des larmes et des lamentations, mais des prières ; et souvent ce ne sont pas les soins des médecins, mais la foi seule qui guérit le malade. Mais s’il est besoin de médecins, on trouve là une grande philosophie et une grande fermeté. On ne voit pas auprès du malade une femme qui s’arrache les cheveux, des enfants qui se lamentent d’avance d’être orphelins, des serviteurs qui conjurent le mourant de les léguer à un bon maître ; l’âme est libre de ce spectacle et ne pense qu’à se préparer au dernier instant pour paraître devant Dieu agréable à ses yeux. Et si une maladie survient, elle n’a pas pour cause la gourmandise ni l’appesantissement de la tête, mais l’origine en est digne de louange et non de flétrissure : un excès de veilles ou de jeûne ou quelque chose de semblable ; aussi est-elle facile à guérir, car il suffit de ne plus se fatiguer pour être délivré de tout.