C’est parce que nous avons reçu de Dieu des bienfaits, qu’à notre tour nous souffrons pour ses élus afin qu’ils acquièrent le salut. Que dites-vous ? de quel salut voulez-vous parler ? vous qui ne vous êtes pas sauvé par vous-même, mais qui étiez perdu si un autre ne vous eût sauvé, vous seriez l’auteur du salut de quelqu’un ? C’est pour prévenir cette objection qu’il ajoute : « Du salut qui est en Jésus-Christ, avec la gloire éternelle ». Le présent est dur, mais il ne va pas plus loin que la terre ; le présent est misérable, mais il est passager ; il est plein d’amertume, mais il ne dure que jusqu’à demain.
3. Tels ne sont pas les vrais biens ; ils sont éternels, ils sont dans le ciel. C’est là qu’est la vraie gloire, celle de ce monde n’est qu’un opprobre. Pénétrez-vous de cette vérité, mon cher auditeur, il n’y a pas de gloire sur la terre, la gloire véritable habite dans les cieux. Voulez-vous être glorifié, exposez-vous aux outrages ; voulez-vous jouir du bonheur de la liberté, soyez écrasé par l’oppression. Voulez-vous nager dans la gloire et les délices, répudiez tout ce qui est du temps. Oui, l’opprobre est une gloire, et la gloire un opprobre ; mettons cette vérité dans tout son jour, afin que nous voyions la face de la vraie gloire. Il n’est pas donné à l’homme de trouver la gloire sur la terre ; si vous voulez la rencontrer, c’est par l’opprobre que vous devrez passer. Examinons cette question en considérant deux hommes, l’empereur Néron et l’apôtre saint Paul. Celui-là avait la gloire du monde en partage ; celui-ci l’opprobre ; celui-là était empereur, il avait fait beaucoup d’exploits et dressé de nombreux trophées. Il était inondé de richesses ; des armées innombrables et la plus grande partie de la terre recevaient ses ordres. La capitale du monde était à ses pieds ; tout le sénat s’inclinait devant lui ; rien n’égalait la splendeur de ses palais. A la guerre, il portait des armes d’or et de pierres précieuses ; en temps de paix, il trônait sous la pourpre. Il avait beaucoup de gardes et de doryphores. Il portait les noms de maître de la terre et de la mer ; d’empereur ; d’Auguste ; de César, de prince et de beaucoup d’autres, inventés par l’adulation et la flatterie. Rien enfin ne lui manquait de ce qui fait la gloire de ce monde. Les sages, les potentats et les rois tremblaient devant lui. On savait qu’il était féroce et sans pudeur. Il voulait être dieu ; il se mettait au-dessus de toutes les idoles des païens, au-dessus du vrai Dieu lui-même, et se faisait honorer comme un dieu. Quoi de plus grand qu’une telle gloire ? Ou plutôt, quoi de pire qu’une telle infamie ? Je ne sais comment, par l’effet de la vérité, ma bouche a devancé m’a pensée et prononcé la sentence avant le jugement. Mais continuons d’examiner la question au point de vue de la multitude, et selon les idées des païens et des flatteurs. Quoi de plus grand, sous le rapport de la gloire ; que d’être regardé comme un dieu ? C’est en réalité une grande infamie qu’un homme ait une si folle prétention ; mais nous continuons d’examiner la question selon les idées du grand nombre. Rien ne lui manquait donc de ce qui fait la gloire humaine : il était honoré comme un dieu.
Mais mettons en face de lui saint Paul, si vous voulez bien. C’était un homme de Cilicie ; or, tout le monde sait la différence qu’il y a entre Rome et la Cilicie. Il était ouvrier en cuir, pauvre, peu instruit de la science profane, ne sachant que l’hébreu, langue méprisée de tous, surtout des Italiens. Ils ont, en effet, moins de mépris pour la langue des barbares, pour celle des Grecs, pour aucune autre que pour celle des Syriens qui ressemble beaucoup à l’hébreu. Il ne faut pas s’étonner s’ils méprisaient l’hébreu, puisqu’ils méprisent même la langue grecque, si belle, si admirable. C’était un homme qui connaissait la faim et la soif, qui allait plus d’une fois dormir sans être rassasié, un homme qui avait à peine de quoi se vêtir. « Dans le froid et la nudité », dit-il lui-même. (2Co. 12,27) Ce n’est pas tout, il était dans les fers, il y était avec des brigands, des imposteurs, des violateurs de tombeaux, des meurtriers, il y avait été mis par l’ordre de Néron et battu de verges comme un vil malfaiteur ; c’est saint Paul lui-même qui le dit. Quel est cependant le plus illustre des deux ? N’est-il pas vrai que la multitude a oublié jusqu’au nom de l’empereur, tandis que Grecs, Barbares et Scythes, que les peuples les plus éloignés célèbrent chaque jour le nom de l’apôtre ? Mais ne considérons pas encore ce qui a lieu maintenant, et voyons les choses telles qu’elles étaient alors : Encore un coup, quel était le plus illustre, quel était le plus glorieux de ces deux hommes, celui qui avait le corps enfermé dans une chaîne de fer, celui que l’on traînait hors de sa prison avec