Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/378

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la chaîne qui le liait, ou celui qui était vêtu de pourpre, et qui s’avançait avec pompe hors de son palais ? Je réponds sans hésiter que c’est le captif. Pourquoi ? C’est que le prince, avec toutes ses armées, avec tout son luxe, ne pouvait faire ce qu’il voulait, et que le captif, sous ses simples et pauvres vêtements, exerçait une plus grande autorité que lui. Comment et de quelle manière ? Celui-là disait : Ne répands pas la semence de la parole évangélique. Celui-ci répondait : Je ne puis ne pas la répandre, car la parole de Dieu n’est point liée. Et le Cilicien, le captif, le faiseur de tentes, le pauvre, l’homme exposé à souffrir la faim, méprisait le Romain, le riche, le prince, le maître du monde, celui de qui dépendaient tant de vies, et ses nombreuses armées ne lui servaient de rien. Lequel des deux était illustre et glorieux ? Celui qui était vaincu sous la pourpre, ou celui qui vainquait dans les fers ? Celui qui se tenait en bas et qui lançait des traits, ou celui qui, assis en haut, était en butte aux coups ? Celui qui donnait des ordres qui étaient méprisés, ou celui qui ne tenait pas compte des ordres qu’il recevait ? Celui qui était vaincu au milieu d’armées innombrables, ou celui qui était vainqueur, quoique seul et sans secours humain ? L’empereur donc céda la victoire au captif. Dites-moi donc lequel des deux partis vous embrasseriez ? Il ne s’agit pas encore de la vie future ; nous ne considérons pas encore la question à ce point de vue. De quel parti voudriez-vous avoir été, de celui de saint Paul, ou de celui de Néron ? Je ne dis pas au point de vue de la foi, ce serait trop évident, mais à celui de la gloire, de l’honneur, de l’éclat. Tout cœur généreux préférera le parti de saint Paul, parce qu’il est plus beau de vaincre que d’être vaincu. Et encore cette victoire est moins étonnante par elle-même que par les circonstances et par l’appareil du vainqueur et du vaincu. Car je veux le redire, et je ne me lasserai pas de le répéter : L’homme enchaîné terrassa l’homme couronné.

4. Telle est la vertu du Christ : une chaîne de fer triomphait de la couronne impériale ; un captif, d’un César. Paul, comme un prisonnier, ne portait que des haillons ; et ces haillons, avec les fers du prisonnier, attiraient plus les regards que la pourpre. Il était par terre et le front dans la poussière, et néanmoins les yeux des hommes se détournaient du char d’or de l’empereur pour s’arrêter sur lui, et c’était naturel. Car c’était une chose ordinaire de voir l’empereur conduit par un attelage blanc ; mais ce qui était nouveau et étrange, c’était de voir un prisonnier parler à l’empereur avec autant de hardiesse et de liberté que l’empereur en mettrait à parler à un vil et misérable esclave. Une foule nombreuse était présente, toute composée des esclaves de Néron. Ils admiraient, non leur prince, mais son vainqueur. Celui que tous ensemble redoutaient, saint Paul seul le foulait aux pieds. Voyez quelle splendeur dans les fers. Que dirons-nous encore ? Le tombeau du prince n’est pas même connu ; et l’apôtre, effaçant en éclat tous les empereurs, repose dans la ville capitale du monde, là où il a remporté la victoire et dressé son trophée. On ne parle de celui-là que pour le mépriser, même parmi les païens, car c’était un impie ; la mémoire de celui-ci est partout accompagnée de bénédictions, même chez nos ennemis. Lorsque la vérité brille, les ennemis mêmes n’ont pas l’impudence de la repousser. S’ils n’admirent pas la foi de saint Paul, ils admirent sa franchise et sa hardiesse. Celui-ci vole tous les jours de bouche en bouche, couronné d’une renommée glorieuse ; celui-là ne reçoit partout qu’injures et mépris. De quel côté donc se trouve la gloire ?

Mais, à mon insu, je n’ai loué du lion que son ongle, au lieu de dire le plus important. Quel est le plus important ? Le bonheur du ciel ; la splendeur dont Paul sera revêtu lorsqu’il viendra avec le Roi des cieux, et d’un autre côté l’abaissement de Néron, son état misérable. Si je vous semble dire des choses incroyables et ridicules, vous vous rendez ridicules vous-mêmes, vous qui riez de choses nullement risibles. Si vous ne croyez pas à la vie à venir, croyez-y du moins par la considération des choses passées. Le temps des couronnes n’est pas encore venu, et cependant voyez l’honneur dont jouit déjà le vaillant athlète du Christ ; de quel honneur donc jouira-t-il lorsque viendra l’Agonothète avec toutes ses couronnes. S’il est ainsi admiré, lui étranger parmi des étrangers, quel sera donc son bonheur quand il sera parmi les siens ? « Maintenant notre vie est cachée avec Jésus-Christ en Dieu » (Col. 3,3), et cependant l’apôtre, quoique mort, est plus puissant que les vivants, plus honoré. Lors donc que le