Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/393

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Rien ne nous rend si humbles que la charité. Elle nous fait, sans rougir, rendre à nos amis les plus bas services, et même nous leur en rendons grâces. La charité fait que nous n’épargnons pas notre argent, ni même nos personnes pour le bien de nos amis, puisque nous exposons pour eux notre vie. La charité véritable et sincère ne souffre ni envie ni médisance. Bien loin de calomnier nos amis, nous fermons au contraire la bouche à ceux qui les calomnient. La charité met partout le calme et la tranquillité, elle bannit les disputes et les querelles, elle fait régner une paix profonde. « La charité », dit saint Paul, « est l’accomplissement de la loi ». (Rom. 13,10) Il n’y a rien de désagréable en elle. Tous les crimes qui troublent la paix : l’avarice, la violence, les rapines, l’envie, les accusations, le parjure, le mensonge, disparaissent en présence de la charité, puisqu’on ne commet des parjures que pour ravir le bien des autres. Qui voudrait penser à ravir le bien d’un ami ? On est prêt au contraire à lui donner ce qu’on a, et on croit même qu’il nous fait grâce de le recevoir. Vous me comprenez, vous tous qui avez des amis, non pas des amis de nom seulement, mais des amis véritables et que vous aimez autant qu’on doit aimer des amis. Si quelqu’un ignore ces choses, qu’il les apprenne de ceux qui les savent.

Écoutez un modèle d’amitié tiré de l’Écriture. Jonathas, fils du roi Saül, aimait David : « Son âme était étroitement unie à la sienne » (1Sa. 18,1), au point que pleurant sa mort, David disait : « Ton amour m’a saisi comme l’amour des femmes ; ta mort m’a fait une blessure mortelle. ». (2Sa. 1,26) Jonathas porta-t-il envie à David ? Nullement, et cependant il avait un motif de lui porter envie, puisqu’il voyait qu’il allait devenir roi, à son détriment. Il n’éprouva cependant aucun mouvement d’envie. Il ne dit point : Cet homme me chasse du trône de mon père. Il l’aida même à entrer en possession de son royaume. Il résista à son propre père en faveur de son ami. Ce que je dis néanmoins ne doit point le faire passer pour un rebelle ou un parricide ; il ne viola en rien le respect qu’il devait à son père, il se contenta d’empêcher ses pièges et ses injustices. C’était lui témoigner du respect et non lui faire tort, puisqu’il l’empêchait de commettre un meurtre injuste. Il s’exposa même souvent à mourir pour son ami. Il ne l’accusa point, il réfuta même les accusations de son père. Il ne fut pas envieux contre son ami, il l’aida au contraire non seulement de son bien, mais il lui sauva la vie, il exposa pour lui la sienne propre, il ne considéra point son père lorsqu’il s’agissait de sauver son ami, parce que Saül avait des desseins criminels que Jonathas détestait. Voilà quelle était l’amitié de Jonathas pour David. Voyons maintenant celle de David pour Jonathas. Il ne put le payer de tout ce qu’il avait fait pour lui, puisque cet ami si bienfaisant mourut avant que lui, David, qui avait reçu ses bienfaits, fût devenu roi. Voyons cependant comment ce juste témoigna son amitié dans la mesure du possible. « Que Jonathas est beau pour moi ; ta mort m’a fait une blessure mortelle ». Nous trouvons encore d’autres marques de sa tendresse. Il sauva son fils et son petit-fils de mille périls en mémoire de leur père. Il ne cessa jamais de les regarder comme ses propres enfants. Je souhaiterais de vous tous, mes frères, que vous eussiez une tendresse semblable envers les vivants et envers les morts.

4. Que les femmes écoutent ceci, car ce sont les femmes que j’ai surtout en vue lorsque je dis : Envers les morts ; qu’elles écoutent donc celles qui convolent à de secondes noces, déshonorant ainsi la couche de votre mari mort, de celui que vous avez aimé le premier. Je ne dis pas cela néanmoins pour condamner les secondes noces ou pour faire croire qu’elles soient impures. Saint Paul ne me le permet pas ; il me ferme la bouche lorsqu’il dit : « Si même elle se remarie, elle ne pèche point ». Cependant voyons aussi la suite : « Mais elle n’est plus heureuse, si elle demeure telle qu’elle est ». (1Co. 7,28, 40) La viduité est bien plus excellente que les secondes noces pour plusieurs raisons. Car s’il vaut mieux ne se point marier, il s’ensuit qu’il vaut mieux ne se marier qu’une fois que plusieurs. Vous m’objecterez peut-être que plusieurs n’ont pu supporter le veuvage et sont tombées en de grands malheurs ? Elles y sont tombées parce qu’elles n’ont pas su ce que c’était que la viduité. Elle ne consiste, point seulement à ne pas contracter un second mariage, comme la virginité ne consiste point simplement à ne point se marier du tout. Ce qui fait proprement la vierge, c’est la modestie et la prière assidue, et ce qui