Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/394

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait la veuve, c’est la solitude et une prière continuelle avec l’abstinence des délices. « Celle qui vit dans les délices », dit saint Paul, « est morte toute vivante qu’elle est ». (1Ti. 5,6) Si, en demeurant veuve ; vous avez la même magnificence dans vos habits et le même luxe et le même faste que vous aviez du vivant de votre mari, il vaudrait mieux vous remarier. Ce n’est pas l’union du mariage qui est mauvaise, mais ces vanités que vous recherchez. Vous fuyez ce qui en soi n’est pas un mal, et vous faites ce qui de soi est mauvais.

C’est la raison pour laquelle quelques veuves s’étaient égarées à la suite de Satan : elles ne savaient pas garder, comme il convient, l’état de veuve. Voulez-vous savoir ce que c’est que la viduité, et quel est son caractère ? Écoutez saint Paul : « Qu’on puisse lui rendre témoignage de ses bonnes œuvres », dit-il, « si elle a bien élevé ses enfants, si elle a exercé l’hospitalité, si elle a lavé les pieds des saints, si elle a secouru les affligés, si elle s’est appliquée à toute sorte d’actions pieuses ». (1Ti. 5,14) Si maintenant que votre mari est mort, vous paraissez toujours entourée du faste de la richesse, vous ne savez pas vivre en veuve. Transférez vos richesses dans le ciel, et le poids de votre viduité vous deviendra léger. – Mais si j’ai, dites-vous, des enfants qui doivent hériter du patrimoine de leur père ? Apprenez-leur à eux-mêmes à mépriser les richesses. Faites passer vos biens au ciel, et en leur donnant à chacun ce qui leur suffit, apprenez-leur à se mettre au-dessus de leur argent. – Mais si j’ai un grand nombre d’esclaves, dites-vous ; si j’ai une multitude d’affaires, de l’or, de l’argent ? Comment suffirai-je à l’administration de tant de biens, sans le secours d’un homme ? – Ce sont là de vains prétextes, si vous n’aimiez point l’argent, si vous ne vouliez point encore augmenter votre bien, toutes ces raisons disparaîtraient. Il y a bien plus de peine à étaler ses richesses qu’à les conserver. Si vous retranchez l’ostentation, et si vous donnez de vos biens aux pauvres, Dieu étendra sur vous la protection de sa main. Si c’est vraiment le désir de conserver l’héritage de vos pupilles qui vous fait parler de la sorte, et non les prétextes que votre avarice cherche si adroitement, Dieu qui sonde les cœurs saura conserver en sûreté le bien de ces enfants, lui qui vous a commandé de bien élever vos enfants. Il est impossible qu’une maison fondée sur la charité envers les pauvres souffre aucun mal. Quand elle en souffrirait, le succès en serait heureux dans la suite. La charité protégera cette maison mieux que la lance et le bouclier. Voyez ce que le démon dit lui-même à Dieu au sujet du saint homme Job : « Ne l’avez-vous pas environné, comme d’une forte muraille, au-dedans et au-dehors ? » Pourquoi ? – Job va lui-même vous répondre : « J’étais », dit-il, « l’œil des aveugles, le pied des boiteux et le père des orphelins ». (Job 1,10 ; et 29, 15)

Celui qui prend part aux maux des autres, ne sera point abattu de ses maux propres ; celui au contraire qui refuse de s’unir à la douleur des autres, sera bien plus rudement, frappé de ses propres malheurs. Si, dans le corps, lorsque le pied est blessé, la main ne lui porte point de secours, si elle ne lave point la plaie, si elle n’y applique point de remède pour la guérir, elle sera bientôt elle-même atteinte du même mal, et pour n’avoir pas voulu rendre service à un autre membre lors, qu’elle était exempte de mal, elle se verra elle-même sujette au mal. Le mal se glissant dans tout le corps, viendra enfin jusqu’à la main, pour qui il ne sera plus question de rendre service à un autre, mais de pourvoir à sa propre guérison, à son propre salut. Disons de même que celui qui refuse de compatir aux maux des autres, sera lui-même affligé par le mal. « Vous avez environné Job comme d’un rempart », dit Satan, « et je n’ose l’attaquer ». – Mais ce saint homme, direz-vous, éprouva cependant de dures afflictions.

Oui, mais ces afflictions devinrent pour lui la cause de très-grands biens. Ses richesses furent doublées, sa récompense fut augmentée, sa justice grandit, sa couronne s’enrichit de nouveaux rayons, le prix remporté par l’athlète fut plus splendide, en un mot Job vit s’accroître ensemble ses biens spirituels et ses biens temporels. Il perdit ses enfants, il est vrai, mais Dieu lui en rendit d’autres et il se réserva de lui rendre les premiers au jour de la résurrection. Si Job avait recouvré les mêmes, le nombre de ses enfants en eût été diminué ; mais outre qu’il en a reçu d’autres, il recevra encore les premiers au dernier jour. Tous ces biens lui furent donnés parce qu’il avait fait l’aumône avec joie. Faisons