Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/398

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mal, égarant les autres, et s’égarant eux-mêmes ». Si les méchants sont dans la joie et vous dans les épreuves, ne vous en troublez pas : la nature des choses le veut ainsi. Mon histoire vous apprendra que l’homme qui fait la guerre aux méchants ne peut pas ne pas être dans la tribulation. L’athlète ne peut vivre dans les délices ; le lutteur ne saurait se livrer à la bonne chère. Est-ce qu’un soldat connaît le repos et les délices ? La vie présente est un combat, une guerre, une tribulation perpétuelle, une angoisse sans fin, une épreuve, c’est un stade où les luttes sont incessantes. Le temps du repos viendra plus tard, le temps présent est celui des travaux et des fatigues. Est-ce que l’athlète qui est déjà entré dans la lice, qui a déposé ses vêtements et qui s’est frotté d’huile demande à se reposer ? Si vous voulez vous reposer, pourquoi êtes-vous entré dans la lice ? Il ne vous reste plus qu’à lutter. Est-ce que je ne lutte point, direz-vous ? — Non, vous ne luttez point, puisque vous ne domptez pas votre concupiscence, puisque vous ne résistez pas à l’entraînement de votre nature.

« Quant à vous, demeurez ferme dans les choses que vous avez apprises, et qui vous ont été confiées, sachant, de qui vous les avez apprises ; et considérant que vous avez été nourri dès votre enfance dans les lettres saintes qui peuvent vous instruire pour le salut par la foi qui est en Jésus-Christ ». S. Paul donne ici le même avis que David lorsqu’il dit : « Ne soyez point jaloux des méchants ». (Psa. 36,1) Demeurez ferme, dit-il, dans les choses non seulement que vous avez apprises, mais qui vous ont été confiées, et où vous avez vu qu’est la véritable vie. Si vous voyez des apparences contraires à votre croyance, ne vous troublez pas. Abraham voyait des choses contraires à ce qu’on lui avait promis, et néanmoins il n’hésita pas. Dieu lui avait promis que ce serait d’Isaac que sortirait sa postérité ; cependant lorsque Dieu lui commanda de lui immoler ce même Isaac, il n’en fut ni ébranlé ni troublé. Que personne donc, mes frères, ne se scandalise au sujet des méchants. Il y a longtemps que l’Écriture nous a donné cet avis. Et que penser envoyant les bons dans la joie et les méchants châtiés ? — Que les méchants soient châtiés, rien de plus naturel ; mais que les bons jouissent d’une prospérité inaltérable ici-bas, c’est ce qui n’est pas possible. Personne n’égalait saint Paul, et néanmoins il passa tout le temps de sa vie dans l’affliction, dans les larmes, dans les gémissements le jour et la nuit. « Avec des larmes répandues jour et nuit », dit-il, « pendant trois ans, je n’ai pas cessé d’avertir » ; et encore : « Je suis accablé d’affaires tous les jours ». (Act. 20,31 et 2Co. 11,28) Il n’était pas aujourd’hui dans la joie, demain dans la douleur ; il ne se passait pas un jour sans qu’il souffrît quelque peine. — Cependant, saint Paul dit que les méchants avanceront de plus en plus dans le mal. — Oui, mais il ne dit pas qu’ils trouveront le repos, c’est vers le mal que se fait leur progrès. Il ne dit pas qu’ils seront dans la joie. S’il arrive qu’ils soient châtiés, ils le sont pour que vous ne croyiez pas à l’impunité du péché. Comme la menace de l’enfer ne suffit pas pour arrêter notre malice, il nous réveille de temps en temps dans sa bonté par le châtiment temporel.

Si aucun méchant n’était puni, personne ne croirait que Dieu préside aux affaires de ce monde. Si tous étaient punis, personne n’attendrait plus la résurrection, si l’on voyait que tous reçoivent ici-bas leur récompense. Voilà pour quelle raison, Dieu tantôt punit et tantôt ne punit point ici-bas. Si les justes sont affligés en ce monde, c’est qu’ils n’y sont qu’en passant, comme des étrangers et des exilés. De plus les épreuves qu’endurent les justes servent à épurer leur vertu. Écoutez ce que Dieu dit à Job : « Croyez-vous, que je vous aie traité de la sorte pour une autre raison, sinon afin que vous parussiez juste ? » (Job. 11,3) Quant aux pécheurs, s’il leur arrive aussi d’être affligés, c’est en punition de leurs iniquités. Rendons grâces à Dieu, quelle que soit la manière dont il nous traite, car c’est toujours pour notre bien. Il n’agit jamais par haine et aversion pour nous, il est toujours mu par une tendre sollicitude pour nos intérêts. Saint Paul dit à Timothée qu’il a été nourri dans les saintes lettres dès le berceau, c’est-à-dire dans l’Écriture sainte. Puisqu’il a été nourri de cet aliment sacré dès son enfance, sa foi doit s’en être fortifiée au point d’être devenue inébranlable. Elle a eu le temps de pousser d’assez profondes racines pour résister à tous les assauts. Ces saintes lettres, lui dit-il encore, sont capables de vous rendre sage, c’est-à-dire qu’elles le préserveront de toutes les folies où donnent la plupart des hommes.