Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/437

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’une autre manière en ajoutant : « Lequel il a répandu en nous abondamment par Jésus-Christ notre Sauveur ». Ainsi nous avons un grand besoin de la miséricorde de Dieu. « Afin qu’ayant été justifiés par sa grâce », c’est encore par sa grâce et non par nos mérités, « nous soyons les héritiers de la vie éternelle « selon notre espérance ». Il y a là tout à la fois exhortation à l’humilité et espérance des récompenses futures. Car si Dieu nous a sauvés, lorsque nous étions dans un état tellement désespéré qu’il nous fallait être renouvelés et sauvés par la grâce, puisque nous n’avions pas un seul bien en propre, à combien plus forte raison ne nous sauvera-t-il pas dans l’avenir ?
4. Il n’y avait rien de pire que la férocité humaine avant la venue de Jésus-Christ ; presque tous les hommes étaient en inimitié ou en guerre les uns avec les autres ; les pères égorgeaient leurs fils, les mères entraient en fureur contre leurs enfants : il n’y avait rien de fixe, pas de loi naturelle, pas de loi écrite, tout était dans le plus grand désordre, il y avait continuellement des adultères, des meurtres, et des choses plus odieuses que le meurtre, s’il en est, des vols à chaque moment. Un auteur profane dit : Il semblait que lé larcin passât pour vertu, et ce n’est pas étonnant, si l’on voit qu’on adorait un dieu du vol : il y avait souvent des oracles qui ordonnaient de tuer tel ou tel. Raconterai-je un fait qui s’est passé alors ? Androgée, un fils de Minos, étant venu à Athènes, et ayant été vainqueur dans les jeux, subit le supplice et fut tué. Apollon, guérissant le mal par le mal, ordonna que pour le venger on enlèverait quatorze enfants à leurs familles et qu’on les ferait périr. Y a-t-il rien de plus cruel que cette tyrannie ? C’est ce qui fut exécuté. Pour satisfaire la fureur du, dieu, il se trouva un homme qui égorgea ces enfants, car l’erreur régnait parmi ce peuple. Plus tard ils refusèrent ce tribut et brisèrent ce joug. Si cependant ils avaient eu raison d’égorger ces enfants, il ne fallait pas cesser de le faire ; si, air contraire, c’était une injustice criminelle, comme de fait c’en était une, c’était mal de leur donner cet ordre dans le principe.
On adorait des lutteurs au pugilat ou à la palestre. Il y avait sans cesse la guerre dans les villes, dans les villages, dans les maisons. Les amours contre nature étaient communs, et un de leurs philosophes a porté une loi par laquelle il défendait aux esclaves ces sortes d’amours et de se frotter d’huile, réservant cela comme un privilège honorable aux hommes libres. Aussi le faisaient-ils au grand jour dans leurs maisons. Si on examine tout ce qui les concerne, on trouvera qu’ils ont insulté à la nature elle-même et que personne n’y mettait obstacle. Tout leur théâtre est rempli de crimes de ce genre, d’adultères et de débauches, d’impureté et de corruption. Il y avait des nuits entières passées dans des veillées abominables, et les femmes étaient appelées à ces spectacles. O souillure ! pendant la nuit, sous tous les yeux il y avait de ces veillées, et les vierges se trouvaient parmi des jeunes gens en délire au milieu d’une multitude ivre. Ces veillées se passaient dans les ténèbres, et on y faisait des actions exécrables. C’est pourquoi l’apôtre dit : « Car nous étions aussi autrefois insensés, rebelles, égarés, asservis à diverses convoitises et voluptés ». Celui-ci, veut-il dire, a aimé sa belle-mère, celle-là a aimé son beau-fils, puis s’est pendue. Car pour l’amour qu’on porte aux enfants, et qu’on appelle la pédérastie, on ne peut pas même en parler. Mais quoi ! voulez-vous voir des fils épouser leurs mères ? c’est ce qui s’est rencontré chez eux, et, ce qui est plus grave, cela arrivait par ignorance ; et leur dieu, bien loin de s’y opposer, se riait de voir la nature outragée, quoique les plus illustres personnages fussent en cause. Mais si ceux qu’on devait s’attendre à voir cultiver la vertu, pour tout le moins dans le désir d’arriver à la gloire, sinon pour un autre motif, étaient si enclins à la perversité, qu’a-t-il dû en être, pensez-vous, de ceux qui menaient une vie obscure ? Qu’y a-t-il de plus inconstant que ces plaisirs ? Voilà une femme qui aime un certain Egisthe, et par condescendance pour cet adultère, elle tue son mari à son retour. Vous connaissez pour la plupart cette histoire. Le fils de la victime fait périr celui qui a souillé la couche de son père, il égorge même sa mère, ensuite il entre en démence et est agité par les furies, puis dans son délire il en tue un autre et lui prend sa femme. Y a-t-il rien qu’on puisse comparer à ces déplorables événements ?
J’ai pris du dehors ces exemples pour montrer aux gentils combien de maux ont régné alors sur la terre. Mais, si vous le voulez, je m’en tiendrai aux saintes Écritures : « Ils immolèrent