Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Dans la forme de Dieu », il dit aussi : « Dans la forme d’esclave ». L’esclave en bonne forme, n’est-il que l’esclave en énergie, ou l’esclave en nature ? Certainement, réponds-tu, l’esclave formel, c’est l’esclave en nature. Donc aussi la forme de Dieu, c’est la nature de Dieu, et non une simple « énergie ». Ainsi succombent Marcel le Galate, Sophronius et Photin.

2. A Sabellius, maintenant. L’apôtre dit « Comme il était dans la forme de Dieu, il n’a pas cru que ce fût une usurpation pour lui, que d’être l’égal de Dieu ». Qui dit égal, dit égal à un autre : l’égalité ne peut se dire d’une personne seule. Vous voyez donc ici la substance, l’hypostase de deux personnes, et non pas de vains noms qui ne s’appliquent pas à des réalités. Par là même, le Fils unique vous apparaît existant avant tous les siècles. Mais cela suffit contre ces adversaires.

Contre Arius, que dirons-nous ? Il fait le Fils d’une autre substance que son Père. – Hérétique, réponds-moi : que veut dire cette proposition : « Il a pris une forme d’esclave ? » Il s’est fait homme, me répond-il. Donc aussi, puisqu’il était dans « une forme de Dieu », il était Dieu ; car dans les deux textes se trouve cette expression de « forme ». Si ce mot est vrai dans un cas, il l’est aussi dans l’autre : la forme d’esclave ici, c’est l’homme en sa nature donc aussi la forme de Dieu, c’est Dieu dans sa nature. L’apôtre ne s’en tient pas là ; mais comme Jean l’Évangéliste, il atteste la parfaite égalité de Jésus-Christ avec Dieu, et montre qu’il n’est en rien inférieur au Père « Il n’a pas regardé comme une usurpation d’être l’égal de Dieu ». Toutefois, n’ont-ils pas ici quelque subtilité à nous opposer ? Le texte, disent-ils, affirme précisément le contraire, puisqu’il dit : Étant dans la forme de Dieu, il n’a pas voulu être usurpateur de la nature de Dieu. – Mais s’il était Dieu même, comment pouvait-il ravir la nature divine ? Se peut-il entendre un langage plus absurde ? Dirait-on jamais ceci, par exemple étant homme, il n’a pas ravi la nature humaine ? Quelqu’un pourrait-il ravir ce qu’il est essentiellement ?

Vous ne comprenez pas, répondent-ils ; entendez ainsi le texte : Le Fils étant un Dieu moindre, n’a pas usurpé l’égalité avec le Dieu grand, avec celui qui est plus grand que lui. – Ainsi, pour vous, il y a un Dieu grand : et un Dieu petit ! Voilà que vous introduisez le paganisme dans l’Église. Chez les païens, en effet, il y a petit et grand Dieu ; en est-il de même chez vous ? Je l’ignore. Dans les Écritures, du moins, vous ne trouverez nulle part rien de pareil : partout le grand, nulle part un petit. Car dès qu’il est petit, comment est-il Dieu ? S’il n’y a pas, à vrai dire, d’homme petit et d’homme grand, mais une seule nature d’homme ; si tout ce qui n’a pas cette nature, n’est pas homme, comment s’est-il trouvé un Dieu grand et un Dieu petit en dehors de la nature divine ? Qui est petit, n’est pas Dieu : car partout nos saints livres le proclament grand :« Le Seigneur est grand », dit David, « et dépasse toute louange ». Il le dit du Fils aussi, car partout il l’appelle son Seigneur. – Ailleurs il s’écrie : « Vous êtes grand, vous faites des merveilles, vous êtes le seul Dieu ». Et encore : « Notre Seigneur est grand, grande est sa puissance ; sa magnificence est sans limites ». (Ps. 47,1 ; 85,10 ; 143,3)
Tout cela se dit du Père, répliquent-ils ; le Fils est petit. – Vous le prétendez, vous : mais contre votre dire, l’Écriture affirme du Fils ce qu’elle prononce du Père. Écoutez la parole de Paul : « Nous attendons la bienheureuse espérance, et l’avènement de gloire du Dieu grand ». (Tit. 2,13) L’avènement ! Est-ce du Père qu’on dit cela ? Or, pour vous condamner mieux encore, il a ajouté. L’avènement « du Dieu grand ». Cette phrase a-t-elle jamais été dite du Père ? Jamais ! Au reste, ce qu’il ajoute ne permet point un tel sens « L’arrivée du Dieu grand et notre Sauveur, Jésus-Christ ». Voilà donc le Fils aussi déclaré grand ! Comment parlez-vous donc de grand et de petit ? – Écoutez encore un prophète qui l’appelle : « L’Ange du grand conseil ». Qu’est-ce que l’Ange du grand conseil ? N’est-il pas grand lui-même ? Celui qui est le « Dieu fort », ne serait pas grand, mais petit ? Comment ces impudents et criminels sectaires osent-ils abuser des mots, jusqu’à dire : Un petit Dieu ? Souvent je rapporte leurs propres termes, pour que vous en ayez horreur. – C’était un petit Dieu, disent-ils ; et il n’a pas été jusqu’à usurper le même rang que le grand. – Qu’est ceci ? dites-moi ; (cependant, n’allez pas croire que ces paroles absurdes soient de moi !) Mais d’après leur opinion, le Fils était petit, et bien inférieur