Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/452

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montre qu’il a eu plus de sollicitude polir le maître que pour le serviteur, puisqu’il lui accorde tant de respect. « Mais je n’ai rien voulu faire sans ton avis, afin que ce ne fût point comme par contrainte, mais volontairement que tu me fisses le bien que je te propose ». Ce qui adoucit le plus celui à qui on fait une prière, c’est de lui dire qu’on pense à une chose très-utile en soi, mais cependant qu’on n’en veut rien faire sans consentement. De là il résulte deux avantages, c’est que l’un y trouve son profit, et que l’autre est plus sûr de réussir. Remarquez encore que l’apôtre ne dit pas Afin que ce ne fût point par contrainte, mais « Comme par contrainte ». Je savais, semble-t-il dire, que quand tu n’aurais pas été prévenu d’avance, tu ne te serais pas indigné en apprenant tout à coup ce dont il s’agit : j’ai mieux aimé toutefois user d’une préparation même surabondante « afin que ce ne fût point comme par contrainte ».
« Car peut-être a-t-il été séparé de toi pour un temps afin que tu le recouvres pour toujours ». Il a en raison de dire : « Peut-être », afin que le maître cédât plus facilement. En effet, s’il dit : « Peut-être », c’est parce que la fuite d’Onésime a eu pour cause l’indocilité et la perversité de son caractère, et non pas une juste détermination. Mais il ne dit pas qu’il a fui, il dit « qu’il a été séparé » ; il se sert d’une expression adoucie. Encore ne dit-il pas : Il s’est séparé, mais : « Il a été séparé », comme s’il n’avait pas le dessein de s’éloigner peur telle ou telle cause. C’est ainsi que parle Joseph pour défendre ses frères : « Car Dieu m’a envoyé ici », c’est-à-dire, il a fait tourner à bien leur méchanceté. « Il a été séparé pour un temps » : ainsi il réduit le temps, il confesse la faute, et il attribue tout à la divine Providence. « Afin que tu le recouvres « pour toujours », c’est-à-dire, afin que tu le recouvres non seulement dans cette vie, mais dans l’autre, non plus comme un esclave, mais comme étant au-dessus d’un esclave, puisque, tout en restant esclave, il aura pour toi' plus d’amour qu’un frère. Ainsi il tire parti et de la supputation du temps et de la dignité d’Onésime, car, dit-il, par la suite il ne s’enfuira plus : « Afin que tu le recouvres pour toujours », vous le voyez : « Que tu le recouvres », et non pas : Que tu le reçoives. « Non plus comme un esclave, mais comme étant au-dessus d’un esclave, comme un frère bien-aimé principalement de moi ». Tu avais perdu un esclave pour un temps, tu trouves un frère pour toujours, et un frère qui n’est pas seulement le tien, mais encore le mien. Cela a encore une grande force. S’il est mon frère, dit-il, tu ne rougiras point de le reconnaître toi-même pour ton frère. Ainsi en l’appelant son fils, il a montré l’amour qu’il lui portait ; en l’appelant son frère, il prouve sa bienveillance et témoigne qu’il le regarde comme son égal.
3. Toutes ces choses n’ont pas été écrites sans motif ; l’apôtre veut que nous, maîtres, nous ne désespérions pas de nos esclaves, que nous ne sévissions pas avec violence contre eux, mais que nous apprenions à leur pardonner leurs fautes ; il veut que nous ne soyons pas toujours durs, et que nous ne rougissions pas à cause de leur condition, de les accepter en toutes choses comme nos compagnons, s’ils sont vertueux. Paul n’a pas rougi d’appeler Onésime ses entrailles, son frère et son frère chéri, et nous, nous rougirions ! Mais qu’ai-je besoin de parler de Paul ? Le Maître de Paul ne rougit pas d’appeler nos esclaves ses frères, et nous, nous rougirions ! Voyez comme le Seigneur nous honore : nos esclaves, il les appelle ses frères, ses amis, ses cohéritiers : voilà jusqu’où il est descendu. Que pouvons-nous donc faire, polir qu’on puisse dire que nous avons tout fait ? Rien, absolument rien : car à quelque degré d’humilité que nous soyons parvenus, nous avons toujours à gagner plus que nous n’avons acquis. Faites attention en effet : tout ce que vous pouvez, faire, vous le faites pour des compagnons d’esclavage ; mais ce que votre Maître a fait, il l’a fait pour vos esclaves.
Écoutez et tremblez : que jamais l’humilité ne vous inspire des sentiments d’orgueil. Ces paroles peut-être vous font rire : quoi ! l’humilité nous rend orgueilleux ! – Ne vous en étonnez pas : elle enorgueillit, à moins qu’elle ne soit sans fard. Comment et de quelle manière ? C’est lorsque par l’humilité nous recherchons les louanges des hommes et non celles de Dieu ; c’est quand nous sommes humbles pour qu’on nous loue et que nous ayons une haute idée de nous-mêmes : cela en effet vient du diable. Il y a des hommes qui, par cela même qu’ils recherchent une gloire qui ne soit pas vaine, aiment la fausse gloire ; et de même il y en a qui, au moment