Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/462

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les surpassait de toute la grandeur de sa mission. Mais il n’en fait rien et pourquoi ? C’est qu’il ne voulait pas se glorifier ; c’est que ses auditeurs n’étaient point parfaits ; c’est qu’il voulait les relever davantage à leurs propres yeux, et leur montrer leur supériorité : C’est comme s’il disait : Quelle faveur si grande Dieu a-t-il fait à nos pères, en leur envoyant les prophètes ? Il nous a envoyé à nous son Fils unique. Ces belles paroles : « En divers temps et en diverses manières », montrent que les prophètes eux-mêmes n’ont pas vu Dieu, tandis que le Fils de Dieu l’a vu. « J’ai », dit le Très-Haut, « multiplié les visions, et entre les mains des prophètes j’ai pris diverses figures ». (Os. 12,10) Nous avons donc sur nos pères deux avantages : Dieu leur a envoyé les prophètes tandis qu’il nous a envoyé son Fils ; les prophètes n’ont pas vu Dieu, et le Fils de Dieu l’a vu. Cette vérité, il ne l’expose pas tout d’abord ; il la prouve par ce qui suit, en disant, à propos de l’humanité : « Dieu a-t-il jamais dit à quelqu’un de ses anges : « Tu es mon fils ? » et. « Assieds-toi à ma droite (5, 13) ? » Voyez ici l’habileté de l’orateur. Il commence par citer les prophètes, pour montrer notre supériorité. Puis, quand il a bien établi ce fait qui doit être tenu pour constant, il déclare que Dieu a parlé à nos pères, par la bouche des prophètes, et à nous, par la bouche de son Fils unique ; et s’il leur a parlé par la bouche des anges (car les anges aussi se sont entretenus avec les juifs), notre supériorité est encore ici la même. Nous avons eu affaire au maître ; ils n’ont eu affaire qu’aux serviteurs. Car les anges, aussi bien que les prophètes, sont les serviteurs de Dieu.
C’est avec raison qu’il dit : « Dans ces derniers temps ». De telles paroles les relèvent et les consolent dans leur accablement. Et ailleurs : « Le Seigneur est proche, soyez sans inquiétude » (Phil. 4,6) ; puis encore : « Maintenant notre salut est plus proche que, lorsque, nous avons cru ». C’est encore ainsi, qu’il procède en repassage. Que dit-il donc ? Il dit que l’athlète qui s’est consumé, qui s’est épuisé dans la lutte, dès qu’il apprend la fin du combat, commence à respirer, envoyant arriver le terme de ses fatigues, et le commencement du repos.
« En ces derniers jours, il nous a parlé en son Fils ». Voici cette parole qui revient. « Par » son Fils, répète-t-il, pour confondre ceux qui veulent que cela s’applique à l’Esprit-Saint. Ici, « en » signifie « par », comme vous voyez. Ces mots, « dans ces derniers temps », ont encore un autre sens. Lequel ? Le voici. Il y avait longtemps que nous devions être châtiés, que les grâces nous avaient abandonnés, que nous avions perdu tout espoir de salut, que nous nous attendions à voir fondre sur nous de toutes parts un déluge de maux. C’est alors que Dieu nous a donné davantage. Mais voyez les précautions oratoires de Paul. Il ne dit pas : Le Christ a parlé, quoique le Christ eut parlé en effet. Mais ses auditeurs étaient faibles d’esprit, et ne pouvaient encore entendre ce qui se rapportait au Christ. Il leur dit donc ; « Il nous a parlé en son Fils ». Que dis-tu là, Paul ? Dieu nous a parlé par son Fils ! Oui sans doute.
Mais où donc est la supériorité ? Car tu as démontré que l’Ancien et le Nouveau Testament sont d’un seul et même auteur ; la supériorité de celui-ci n’est donc pas grande. Voilà pourquoi il poursuit, et il s’explique en ces termes : « Et il nous a parlé en son Fils ». Voyez comme Paul se met en cause et sur la même ligne que ses disciples, en disant : Il « nous » a parlé. Pourtant ce n’est pas à lui qu’il a parlé, c’est aux apôtres, et par eux, à beaucoup d’autres. Mais il les relève à leurs propres yeux, et leur montré qu’à eux aussi il leur a parlé. Et en même temps ce sont les juifs qu’il attaque ; car presque tous ces hommes ; auxquels les prophètes ont parlé, étaient de grands coupables et des monstres. Et ce n’est pas encore d’eux qu’il parle, mais il parle des bienfaits de Dieu à leur égard. Voilà pourquoi il ajoute : « Qu’il a institué son héritier universel ». Il parle ici de la chair : et c’est ainsi que David a dit : « Demande, et je le donnerai les nations pour héritage ». Car ce n’est plus Jacob qui est la part de Dieu ; ce n’est plus seulement Israël qui est son lot, mais l’univers est à lui. Que veulent dire ces mots : « Qu’il a institué son héritier ? » Ces mots veulent dire qu’il l’a fait maître et Seigneur de toutes choses. C’est aussi ce que dit Pierre dans les Actes. « Dieu l’a fait Seigneur et Christ ». (Act. 2,36) Ce nom « d’héritier », a deux significations : il désigne le propre Fils, le véritable Fils de Dieu. Il veut dire aussi que son titre de maître ne peut lui être arraché. « Héritier universel », c’est-à-dire du monde entier. Puis il revient à ce qu’il a dit d’abord : Par lequel il a fait aussi les siècles.
2. Où sont ceux qui disent : Il était quand il n’était pas ? Avançant ensuite par degrés, Paul s’élève bien plus haut : « Comme il est la splendeur de sa gloire et le caractère de sa substance, et qu’il soutient tout par la puissance de sa parole, après nous avoir purifiés de nos péchés, il est assis au plus haut du ciel, à la droite de la souveraine Majesté (3). Étant aussi élevé au-dessus des anges que le nom qu’il a reçu est plus excellent que le leur (4) ». O qu’elle, est grande cette sagesse de l’apôtre ! Mais que dis-je ? Ce n’est pas la sagesse de Paul, c’est celle du Saint-Esprit qu’il faut admirer ici. – Ce n’est pas de son propre fonds qu’il a tiré ces paroles ; il n’aurait pas trouvé par lui-même une telle sagesse. Où donc aurait-il appris ce langage ? Serait-ce dans son atelier, au milieu de ses peaux, et son couteau à la main ? Ah ! c’était une inspiration divine qu’un semblable langage. De telles pensées ne pouvaient éclore dans cette intelligence grossière et, simple qui ne dépassait pas celle des gens du peuple. Et pouvait-il en être autrement chez un homme dont les facultés étaient concentrées sur son commerce de peaux ? C’était donc la grâce de l’Esprit-Saint qui opérait en lui, cette grâce qui choisit, pour montrer sa puissance, les instruments qu’il lui plaît. Voulez-vous amener un enfant jusqu’à une hauteur dont la cime touche au ciel même, vous le conduisez doucement et peu à peu par les pentes inférieures, puis, quand vous l’avez fait monter, vous lui dites de regarder en bas ; le voyez-vous saisi de vertige, troublé, comme si ses yeux étaient couverts d’un brouillard,