Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/463

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vous le prenez, vous le reconduisez plus bas, et vous lui donnez le temps de respirer, puis, quand il a repris ses sens, vous le faites alternativement remonter et descendre. Cette méthode, le bienheureux Paul l’a appliquée aux Hébreux, et partout, après l’avoir apprise de son Maître. Oui, telle est sa méthode : tantôt il élève, tantôt il abaisse les âmes de ses auditeurs, sans jamais leur permettre de rester longtemps dans le même état. Voyez comme il s’y prend dans, ce passage, et combien de degrés il leur fait d’abord gravir. Puis, quand il les a fait monter jusqu’au sommet de la piété, avant qu’un vertige ténébreux ne les saisisse, comme il les fait redescendre, comme il les laisse respirer, en leur disant : « Il nous a parlé en son Fils » ; et plus bas : « En son Fils qu’il a institué son héritier universel ». Quand on comprend cette filiation, on reconnaît que c’est le plus beau de tous les titres, et, quel qu’il soit, on reconnaît que ce titre vient d’en haut.
Voyez comme il commence par placer ses auditeurs à un degré inférieur, par ces mois : « Qu’il a fait héritier de toutes choses ? » Car cette expression « qu’il a fait héritier » n’a rien de bien relevé. Puis il les fait monter plus haut, quand il leur dit : « Par qui il a même créé les siècles ». Enfin il les fait monter encore et jusqu’à une hauteur au-dessus de laquelle il n’y a plus rien, dans ce passage : « Comme il est la splendeur de sa gloire et le caractère de sa substance ». Oui : c’est jusqu’aux régions de la lumière matérielle, jusqu’aux régions mêmes de la splendeur qu’il les a fait monter. Mais avant qu’un brouillard couvre leur vue, voyez comme il les fait doucement redescendre, en leur disant : « Comme il soutient tout par la puissance de sa parole, après nous avoir purifiés de nos péchés, il est assis au plus haut du ciel, à la droite, de la souveraine Majesté ». Il ne s’est pas contenté de dire : « Il est assis au plus haut du ciel » ; il a ajouté : « Après la purification de nos péchés ». Voilà le mystère de l’Incarnation, ce mystère, d’humilité. Il s’élève ensuite en disant : « Il est assis au plus haut du ciel, à la droite de la souveraine Majesté ». Puis il prend un langage plus humble et il ajoute:« Étant aussi élevé au-dessus des anges que le nom qu’il a reçu est plus excellent que le leur ». Paul parle ici de ce qui se rapporte à la chair. Par ce mot : Son père l’a « fait » plus grand que les anges ; l’apôtre ne parle point de sa filiation spirituelle ; car sous ce rapport, il n’a pas été fait ni créé, mais engendré. Il parle de sa filiation charnelle ; car sous ce rapport, il a été fait et créé.
Mais pour le moment il n’est pas question de son essence. Jean avait dit : « Celui qui vient « après moi m’a été préféré, parce qu’il était avant moi ». C’est comme s’il avait dit : Il est plus honoré, plus glorieux que moi. De même ici Paul dit à son tour : « Étant aussi élevé au-dessus des anges », c’est-à-dire, leur étant aussi supérieur en vertu et en gloire, que le, nom qu’il a reçu est plus excellent que le leur. Paul, remarquez-le bien, parle ici, de la chair, car ce nom de Dieu-Verbe ; il l’a toujours possédé ; ce n’est pas là un héritage qui lui est survenu avec le temps, et il n’est pas devenu meilleur que les anges, à dater du jour où il nous a purifiés de nos péchés, mais il leur a toujours été supérieur et incomparablement supérieur. Paul parle ici au point de vue de la chair. C’est ainsi qu’en parlant de l’homme, nous le rabaissons et nous l’élevons tour à tour. Quand nous disons. L’homme n’est rien, l’homme est terre, l’homme est poussière, nous prenons l’homme entier par son plus bas côté. Quand nous disons au contraire : L’homme est immortel et doué : de raison, il a quelque chose de céleste, nous prenons l’homme entier par son côté le plus noble. Il en est de même du Christ : tantôt c’est ce qu’il y a d’inférieur, tantôt c’est ce qu’il y a de supérieur en sa personne que Paul considère, pour établir le dogme de l’Incarnation et pour montrer en même temps sa nature immortelle.
3. Puis donc que le Christ nous a purifiés de nos péchés, restons purs et immaculés ; cette beauté qu’il nous a donnée, cet éclat, gardons-nous d’en ternir la pureté : point de tache, point de ride, rien qui y ressemble ! Les taches et les rides, ce sont les fautes même légères ; ce sont les médisances, les injures, les mensonges. Mais que dise ? Ce ne sont pas là des fautes légères ; ce sont au, contraire des fautes graves et tellement graves qu’elles nous font perdre le royaume des cieux. Et voici comment : celui qui traite son frère d’insensé, encourt, est-il dit, le supplice de la géhenne. Or si telle est la peine qu’entraîne une injure qui semble si légère, et qui a l’air d’un jeu d’enfant, celui qui traite son frère d’homme sans mœurs, de misérable envieux ; et qui l’accable d’outrages, à quel châtiment ne s’expose-t-il pas ? Quoi de plus affreux que sa situation ? Mais laissez-moi poursuivre, je vous prie. Si ce qu’on fait à la plus infime créature, c’est à Dieu qu’on le fait, si ce qu’on ne fait pas à la plus infime créature, c’est à Dieu qu’on ne le fait pas, n’est-on pas louable ou blâmable, comme si cette créature était Dieu lui-même ? Ouf, c’est offenser Dieu que d’offenser son frère ; c’est honorer Dieu que d’honorer son frère.
4. Apprenons donc à notre langue à parler, comme il faut que notre langue, est-il dit, s’abstienne de dire le mal. Nous ne l’avons pas reçue de Dieu pour en faire un instrument d’accusation, d’insulte et de calomnie. Nous devons nous en servir, pour chanter les louanges de Dieu, pour en faire l’instrument de la, grâce, pour édifier notre prochain, pour lui être utile. Vous avez médit de quelqu’un ? Eh bien ! qu’avez-vous gagné à vous faire tort ainsi à vous-même, à passer pour un médisant ? Le mal, en effet, le mal ne s’arrête pas à celui qui en est victime ; il remonte jusqu’à son auteur. L’envieux, par exemple, en croyant faire tomber les autres dans ses pièges, est le premier à recueillir le fruit de son injustice ; il se dessèche, il se flétrit, et se rend odieux à tout le monde. L’avare dépouille les autres de leur argent, mais il se prive lui-même de toute affection ; que dis-je ? il s’attire les malédictions de tout le monde. Or bonne renommée vaut bien mieux que richesse. L’une n’est pas facile à ôter ; l’autre est facile à perdre. Il y a plus. N’ayez pas de fortune, on ne vous fait pas un crime de votre indigence ; mais si vous n’avez