Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/482

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lui qui a fait les siècles, lui qui est à la droite du Père, il a consenti, il s’est étudié à devenir notre frère en tout, et c’est pour cela qu’il a envoyé ses anges et les puissances d’en haut, qu’il est venu à nous et qu’il a pris notre nature. Voyez tous les bienfaits dont il nous a comblés : il a détruit la mort, il nous a affranchis de la tyrannie du démon, il nous a délivrés de la servitude, il nous a fait l’honneur de devenir notre frère, et il nous a honorés, non seulement de ce bienfait, mais d’une foule d’autres bienfaits. Il a bien voulu devenir notre grand pontife auprès de son père. Car saint Paul ajoute : « Pour être envers Dieu un pontife compatissant et fidèle (17) ». C’est pour cela, dit Paul, que le Christ a pris notre chair. C’est un effet de sa bonté pour les hommes ; il voulait que Dieu eût pitié de nous. Voilà le motif, l’unique motif de sa conduite providentielle. Il nous a vus abattus, mourants, tyrannisés par la mort, et il nous a pris en pitié. « Afin d’expier les péchés du, peuple », dit l’apôtre, « afin d’être un pontife compatissant et fidèle ». – « Fidèle », que veut dire ce mot ? Il veut dire : sincère et puissant médiateur. Car le seul pontife fidèle, c’est le fils. Il peut, en sa qualité de pontife, absoudre son peuple de ses péchés. C’est donc pour offrir à Dieu une victime capable de nous purifier et d’expier nos fautes, qu’il s’est fait homme ; voilà pourquoi l’apôtre a ajouté : « Envers Dieu », c’est-à-dire « nos fautes envers Dieu ». Nous étions, dit-il, les ennemis de Dieu, nous étions condamnés, nous étions notés d’infamie ; il n’y avait personne pour offrir, en notre faveur, le sacrifice. Il nous a vus en cet état et il nous a pris en pitié. Il ne nous a pas donné un pontife ; mais il s’est constitué lui-même notre pontife fidèle. Puis nous faisant voir en quoi c’est un pontife fidèle, l’apôtre a ajouté : « Afin d’expier les péchés du peuple ». – « Car c’est des souffrances mêmes par lesquelles il a été éprouvé, qu’il tire la force de secourir ceux qui sont éprouvés (18) ».
2. Voilà le comble, de l’humiliation ! Voilà un abaissement indigne d’un Dieu ! « De ses souffrances mêmes ». C’est de l’Incarnation qu’il parle ici, et peut-être avait-il pour but de raffermir ces âmes faibles. Toujours est-il que voici ce qu’il veut dire : C’est pour souffrir ce que nous souffrons qu’il est venu, et maintenant il tonnait nos souffrances, et il les connaît non seulement comme Dieu, mais comme homme, par l’expérience qu’il en a faite ; ses nombreuses souffrances lui ont appris à compatir aux nôtres. Pourtant Dieu ne tonnait point la souffrance ; mais Paul aborde ici le mystère de l’incarnation ; c’est comme s’il disait : Le corps du Christ lui-même a été en proie à la souffrance. Il sait ce que c’est que l’affliction ; il sait ce que c’est que la tentation et il le sait aussi bien que nous qui avons souffert ; car il a souffert lui-même. Mais que signifient ces mots : « Il a la force de secourir ceux qui sont éprouvés ? » C’est comme s’il disait : C’est avec ardeur qu’il nous tendra la main ; car il est compatissant. Comme les Hébreux voulaient avoir sur les gentils une supériorité quelconque, il leur montre, sans blesser les gentils, que voilà précisément ce qui les rend supérieurs à eux. C’est d’eux que vient le salut ; c’est leur nature qu’il a prise d’abord, puisque c’est chez eux qu’il s’est incarné. Car, dit-il, « il ne prend pas la nature des anges ; il prend la nature de la race d’Abraham ». C’est un honneur qu’il fait au patriarche, et il montre aussi ce que c’est que la race d’Abraham. Il leur rappelle cette promesse qui leur a été faite : « Je donnerai cette terre à toi et à ta race ». (Gen. 13,15) Un petit mot lui suffit pour leur montrer leur parenté avec le Christ : « Ils sont tous les enfants d’un même père ». Mais, comme cette parenté, n’était pas grande, il y revient et s’arrête sur cette incarnation providentielle, en ces termes : « Afin d’expier les péchés du peuple ».
Consentir à devenir un homme, c’était nous donner une grande preuve de sollicitude et d’amour. Mais tout n’est pas là ; il y a en outre les biens impérissables qui nous ont été donnés par son moyen. « Pour expier les péchés du peuple ». Pourquoi pas « de la terre ? » N’a-t-il pas porté les péchés de tout le monde ? C’est qu’il parlait aux Hébreux des Hébreux. L’ange ne disait-il pas à Joseph : « Tu l’appelleras Jésus, car il sauvera son peuple ? » (Mat. 1, 21) Voilà en effet ce qui devait avoir lieu d’abord : il est venu pour sauver d’abord ce peuple, et par lui les autres hommes ; quoique le contraire ait eu lieu. C’est ce que disaient aussi les apôtres, dès le commencement : « Par amour pour vous, il a suscité son Fils et l’a envoyé pour vous bénir ». (Act. 3,26) Et ailleurs : « Le Verbe du salut vous a été envoyé », (Act. 13,26) Il montre la noblesse du peuple, juif, lorsqu’il dit : « Pour expier les péchés de son peuple ». C’est ici qu’il tient ce langage ; car qu’il ait effacé les péchés du monde entier, c’est ce que prouvent ces mots adressés au paralytique : « Vos péchés vous sont remis », c’est ce que prouvent ces paroles adressées à ses disciples, à propos du baptême : « Allez et instruisez toutes les nations, et baptisez-les au nom du Père et du Fils et : du Saint-Esprit ». (Mt. 9,5 et 28, 19)Après avoir abordé le chapitre de l’Incarnation, Paul entre sans crainte dans les moindres et dans les plus humbles détails ; voyez plutôt : « Ainsi, mes saints frères, qui avez part à la vocation céleste, considérez l’apôtre et le pontife de notre confession dans la personne de Jésus, qui est fidèle à celui qui l’a établi, comme Moïse lui a été fidèle en toute sa maison ». (3, 1, 2)
Il va le comparer et le préférer à Moise, et il parle en premier lieu des devoirs du sacerdoce ; car tous ses auditeurs avaient de Moise une haute opinion. Il commence par jeter les germes delà supériorité de Jésus, et part de son incarnation pour arriver à sa divinité ; là nécessairement s’arrêtait la comparaison. Il commence par les mettre comme « hommes » sur la même ligne, et il dit : « Comme Moïse en toute sa maison ». Il ne montre pas tout d’abord la supériorité de Jésus ; il craindrait que son auditoire ne se révoltât et ne se bouchât les oreilles. Car ses auditeurs avaient beau être des fidèles, le souvenir de Moïse était