Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/489

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qui en soit exclu ». Voici en effet qui est clair et certain. « Ils voulurent éprouver ma puissance et me virent à l’œuvre durant quarante jours ». Voyez-vous ? Il ne faut pas demander de comptes à Dieu, qu’il nous défende, ou non telle ou telle chose, il faut le croire, car Paul accusé ici ceux ; qui ont tenté Dieu. Exiger de lui dés preuves de son pouvoir, de sa Providence, de sa sollicitude, c’est n’être pas, encore bien sûr de sa puissance, de sa bonté et de sa clémence : C’est ce qu’il fait entendre aux Hébreux dans cette épître. Peut-être, voulaient-ils dans leur tentation, peser et mettre à l’épreuve son pouvoir, sa sollicitude et sa Providence. Voyez-vous aussi comme l’incrédulité irrite Dieu et attire sa colère ? Que dit-il maintenant ? « Il y a donc encore un sabbat réservé au peuple de Dieu ». Voyez comme il raisonne et comme il conclut. Il a juré, dit-il, que vos pères n’entreraient pas dans son repos, et ils n’y sont pas entrés. Puis, longtemps après, il s’adresse aux Juifs et leur dit : « N’endurcissez pas vos cœurs comme vos pères ». C’est une preuve évidente qu’il s’agit ici d’une nouvelle espèce de repos. Car le repos de la Palestine, nous ne pouvons plus en parler ; les Hébreux y étaient arrivés. Quant au repos du septième jour, il ne peut ici en être question ; c’était une histoire des anciens jours. Il est donc ici question d’un autre repos qui est le repos véritable. 4. Oui : c’est bien là le lieu de repos d’où la tristesse, la douleur et les gémissements sont bannis, où l’on ne connaît plus les soucis, les fatigues, les angoisses, les craintes qui frappent et ébranlent l’âme. En fait de crainte, il n’y a là que la crainte de Dieu, crainte pleine dé charmés. On n’entendra point en ce lieu retentir ces paroles : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front ». il n’y a là ni épines, ni ronces. Là, on n’entend pas répéter : « Tu enfanteras dans la douleur. Tu te tourneras vers ton époux et il sera ton maître ». (Gen. 3,19, 18,16) Là tout respire la paix, la joie, la gaieté, le plaisir, la bonté, la douceur, l’équité, la charité. Il n’y a là ni rivalité, ni jalousie, ni maladie, ni mort corporelle, ni mort spirituelle, ni ténèbres, ni nuit partout le jour, partout la lumière, partout le repos. Là point de fatigues, point de dégoût, là toujours un bonheur nouveau en perspective. Voulez-vous que je vous trace ici l’image du sort réservé aux élus, en ce lieu ? C’est impossible ; mais je m’efforcerai de vous en offrir une ombre. Levons les yeux au ciel, quand il n’y a pas de nuages à l’horizon, quand le ciel nous montre sa coupole azurée ; puis, après avoir longtemps contemplé dans l’immobilité de l’extase ce ravissant spectacle, considérons le sol que nous aurons sous nos pieds, sol aussi supérieur à notre sol, que l’or est supérieur à la boue ; puis élevons encore nos yeux vers le pavillon qui s’étend au-dessus de nos têtes. Contemplons là-haut les anges, les archanges, la foule innombrable des puissances immatérielles, le palais même de Dieu, le trône du Père. Mais ici, je le répète, la parole est impuissante à tout décrire, à tout peindre. Il faudrait ici l’expérience et la connaissance qui en est le fruit. Vous figurez-vous, dites-moi, l’existence d’Adam, au milieu du Paradis ? Entre cette existence et la nôtre, il y a la distance du ciel à la terre. Mais cherchons une autre comparaison. Que l’empereur aujourd’hui régnant ait le bonheur de soumettre à son sceptre l’univers entier, qu’il soit affranchi des maux de la guerre et des soucis, qu’il soit entouré d’honneurs, qu’il passe sa vie dans les délices, qu’il ait une foule de satellites, que l’or afflue vers lui de tous côtés, qu’il commande l’admiration, quel sera, selon vous, la joie de ce souverain qui verra la guerre disparaître de la surface du globe ? voilà ce qui aura lieu alors. Mais nous ne sommes pas encore parvenus à donner une idée exacte du bonheur céleste ; il faut chercher une autre image.
Figurez-vous donc un fils d’empereur qui, après avoir été enfermé dans le sein de sa mère, après être resté dans un état complet d’insensibilité, parait tout à coup à la lumière, monte sur le trône impérial et se trouve en état de goûter non successivement, mais tout à coup et à la fois toutes les joies du rang suprême : tel sera l’élu de Dieu. Il sera encore comme un captif qui, après avoir été chargé de fer, après avoir été en proie à d’innombrables souffrances, se verrait tout à coup transporté dans un palais. Mais non : cette image n’est pas encore fidèle. Ce bonheur, quoique ce soit un bonheur de roi, celui qui le possède le goûtera avec délices deux ou trois jours ; avec le temps, il y trouvera encore du plaisir ; mais ce plaisir sera moins vif, car ici-bas le sentiment de la félicité, quelle qu’elle soit, s’émousse par l’habitude, là-haut ce sentiment, loin de diminuer, ne fait, que croître. Réfléchissez en effet au bonheur de l’âme parvenue à ce séjour où elle a devant elle une félicité sans fin, une félicité immuable et toujours croissante, une immortalité qui ne connaît ni les chagrins, ni les périls, une immortalité pleine de joies spirituelles et de délices innombrables.
Quand nous voyons dans la plaine les tentes des soldats formées de riches tapisseries, quand nous voyons briller les lances, les casques et les boucliers, nous voilà ; tout ébahis et immobiles d’étonnement ; quand nous voyons le roi traverser le camp avec son armure d’or, et pousser son cheval avec ardeur, rien ne manque à notre admiration. Qu’éprouverons-nous donc, je vous le demande, quand nous verrons les tabernacles des saints dressés pour toujours dans le ciel ? « Ils vous recevront », dit l’Évangile, « dans leurs tabernacles éternels ». Que direz-vous, quand vous verrez tous ces saints plus resplendissants que les rayons du soleil, et environnés non pas de l’éclat du bronze ou du fer, mais de cette gloire dont l’œil de l’homme ne peut supporter les lueurs ? Je parle ici des saints, c’est-à-dire des hommes. Mais que direz-vous à l’aspect de ces milliers d’anges, d’archanges, de chérubins, de séraphins, de trônes, de dominations de principautés, de puissances dont la beauté surpasse l’imagination ? Mais quand cesserai-je d’énumérer des merveilles que l’on ne peut comprendre?, « Jamais l’œil n’a vu, jamais l’oreille n’a entendu, jamais l’esprit n’a pénétré ce que Dieu prépare à ceux qui l’aiment ». (1Cor. 11,9)