Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/509

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

« Les hommes jurent par un plus grand qu’eux-mêmes, et le serment à leurs yeux doit clore tout débat important. Or, Dieu ne pouvant jurer par un plus grand que lui a juré par lui-même (16) ». C’est vrai. Mais qui est celui qui fit à Abraham ce serment ? N’est-ce pas le Fils ? Non, dites-vous. – Et pourquoi dites-vous non ? – C’est bien certainement lui ; mais je ne dispute pas. Car, lorsqu’il se sert lui-même de cette formule de serment : « En vérité, en vérité, je vous le dis », n’est-ce pas, de fait, parce qu’il n’a pas non plus de supérieur par qui il puisse jurer ? En effet, aussi bien que le Père, le Fils jure par lui-même, quand il s’exprime ainsi : « Eu vérité, en vérité, je vous le a dis ». L’apôtre rappelle aux Hébreux les formules de serment dont le Christ usait si fréquemment : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi ne mourra point éternellement ». Mais que veut dire ceci : « Le serment clôt et confirme toute controverse ? » – Comprenez que le serment, dans toute discussion, fait évanouir les doutes ; et entendez-le, non de telle ou telle discussion, mais de toutes en général. Cependant, même sans ajouter de serment, Dieu doit avoir toute notre foi.
« C’est pourquoi Dieu voulant faire voir avec plus de certitude aux héritiers de la promesse, la fermeté immuable de sa résolution, a employé le serment (17) ». Ces « héritiers » comprennent aussi les chrétiens fidèles, et c’est pourquoi l’apôtre rappelle cette promesse faite à toute la communauté des croyants. Il a, dit-il, employé le moyen du serment. Ce serment qui sert de moyen terme, nous rappelle que le Fils a été intercesseur entre Dieu et nous. « Afin qu’étant appuyés sur ces deux choses inébranlables par lesquelles il est impossible que Dieu nous trompe… (18) ». Quelles sont ces deux choses ? Sa parole et la promesse d’une part, et de l’autre le serment qu’il ajoute à sa promesse. Car, comme chez les humains, le serment paraît plus croyable que la simple affirmation, il a bien voulu le donner par surcroît.
2. Vous voyez que Dieu ne tient pas compte de sa dignité, mais que son but est de persuader les hommes ; à ; ce prix, il permet qu’on parle de lui-même en termes si peu dignes, parce qu’il veut nous convaincre pleinement et sûrement. Dans le fait d’Abraham, l’apôtre nous montre que tout vient de Dieu, et non pas de la longue patience de ce patriarche, puisque Dieu daigne et promettre et jurer. Les hommes jurent par Lui ; Dieu aussi jure par lui-même ; mais les hommes lui font appel comme à plus grand qu’eux ; lui qui ne peut invoquer plus grand que soi, s’invoque cependant. Car il y a une grande différence qu’un homme jure par soi ou jure au nom de Dieu, puisque l’homme n’est aucunement maître de sa chétive personnalité. Or, voyez que ces paroles ne sont pas plus à l’adresse d"Abraham qu’à la nôtre. « Ayons », dit l’apôtre, « ayons, une très-solide consolation, nous qui avons mis, notre refuge dans la conquête des biens qui nous sont proposés par l’espérance ». Ici encore la réalisation des promesses est présentée comme étant l’effet de la patience de l’attente et non pas du serment.
Quant à la nature du serment, il la définit en disant qu’on jure par plus grand que soi. C’est parce que les hommes sont incrédules, que Dieu s’abaisse ainsi à nos idées et à nos exemples. Oui, c’est à cause de nous qu’il fait serment, bien que ce soit une indignité de ne pas le croire simplement. C’est dans le même sens qu’il est écrit : « Il a appris par, les épreuves qu’il a subies », parce que aux yeux des hommes, pour être plus digne de foi sur un point, il faut en avoir fait l’expérience. – Qu’est-ce que « l’espérance proposée ? » Que le passé, dit-il, nous garantisse l’avenir. Car si une première promesse s’est ainsi réalisée après un long délai, ainsi bien certainement en sera-t-il des secondes promesses. Ce qui est arrivé à Abraham, nous fait foi des biens à venir.
« Espérance qui sert à notre âme comme d’une ancre ferme et assurée et qui pénètre jusqu’au dedans du voile, ou Jésus comme précurseur est entré pour nous, ayant été établi Pontife éternel selon l’ordre de Melchisédech (19. 20) ». Bien que nous soyons encore dans ce monde, et non délivrés de la vie présente, l’apôtre nous montre en possession des promesses. Grâce à l’espérance, en effet, nous sommes déjà dans les cieux. Attendez, nous dit-il, le succès est certain. Et bientôt nous apportant une conviction pleine et définitive ; pour mieux dire, s’écrie-t-il, l’espérance vous met déjà en possession. Il ne dit pas : Nous sommes dans le ciel, mais : Notre espérance y est entrée, ce qui est plus vrai et plus persuasif. Telle, en effet, que l’ancre une fois fixée ne laisse plus ballotter follement le navire, mais qu’en dépit des vents qui le battent, cette ancre fixée le rend ferme et immobile, ainsi fait l’espérance. Et voyez quelle justesse dans la comparaison employée par l’apôtre. Il dit une ancre, et non pas un fondement, qui rendrait mal l’idée. Car tout en flottant sur l’eau, tout en ne paraissant avoir ni fermeté, ni stabilité, un navire se maintient sur l’eau comme sur la terre, chancelant et ne chancelant point, tour à tour. Ceux qui sont très-fermes, très-solides, vraiment sages, se trouvent admirablement dépeints dans la, parabole du Sauveur : « Ils ont », dit-il, « bâti leur maison sur la pierre ». (Mt. 7,24) Mais au contraire ceux qui déjà s’affaissent et veulent être portés par l’espérance, trouvent leur portrait dans ces paroles de saint Paul. Les vagues et l’effort d’une violente tempête secouent une barque ; mais l’espérance l’empêche d’être emportée à l’aventure, par les vents qui sans cesse l’agitent. Si donc nous n’avions pas eu cette espérance, déjà depuis, longtemps nous aurions sombré. Et ce n’est pas seulement dans les choses spirituelles, c’est aussi dans les nécessités de la vie que vous retrouvez cette salutaire vertu de l’espérance, par exemple : dans le commerce, dans le labour, sous les drapeaux ; nul, s’il n’avait devant soi l’espérance, ne pourrait seulement mettre la main à l’œuvre. L’apôtre ne l’appelle pas simplement une ancre, il ajoute ancre ferme et inébranlable, pour montrer quelle fermeté elle procure à ceux qui s’appuient sur elle pour être sauvés. Aussi ajoute-t-il : Qu’elle pénètre jusqu’au dedans du voile, c’est-à-dire qu’elle monte jusqu’au ciel.