Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/510

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A l’espérance l’apôtre ajoute la foi, pour que nous n’ayons pas seulement l’espérance vague, mais la ferme et véritable espérance. Après le serment divin, il place une nouvelle démonstration par les faits eux-mêmes ; je veux dire, par ce fait, que Jésus, comme précurseur, est entré pour nous. Un précurseur est précurseur de quelqu’un, comme Jean le fut de Jésus-Christ. Et il ne dit pas seulement : Il est entré, mais : « Où comme précurseur il est entré pour nous », parce que, nous aussi, nous devons arriver au même terme. La distance ne doit pas même être bien grande entre le précurseur et ceux qui le suivent ; autrement il ne serait plus leur précurseur. Le précurseur et les suivants sont nécessairement sur la même route ; l’un ouvre là marche, les autres le pressent. « Ayant été établi Pontife éternel selon l’ordre de Melchisédech ». Voilà encore une consolation, puisque notre Pontife est à une telle hauteur et qu’il l’emporte si fort sur ceux des Juifs non seulement quant au mode du sacrifice, mais quant à la résidence, au tabernacle, au testament, à la personne. Ce qu’on dit ici de Jésus, est dit de Jésus comme homme.
3. Fidèles d’un tel prêtre, nous devons donc nécessairement être d’autant plus parfaits ;, oui, foute la distance qui sépare Jésus-Christ d’Aaron doit se retrouver entre nous et les Juifs. Voilà qu’en effet au ciel nous avons notre victime, au ciel notre Prêtre, au ciel notre sacrifice. Offrons donc des hosties dignes d’être placées sur un autel semblable, non plus, par conséquent, des bœufs et des brebis, non plus de la graisse et du sang. Ces symboles sont abolis et remplacés par l’introduction d’un culte raisonnable. Et qu’appelé-je un culte raisonnable ? Les offrandes de l’âme, de l’esprit. « Dieu est esprit », dit le Seigneur, « et ceux qui l’adorent, doivent l’adorer en esprit et en vérité » (Jn. 4,24), ce qui ne réclame ni le corps, ni les instruments, ni les lieux, mais bien la modestie, la tempérance, l’aumône, le support mutuel, la douceur, la patience. Ces sacrifices ont été figurés déjà dans les siècles passés. « Offrez », dit David, « offrez au Seigneur un sacrifice de justice. Oui, je vous sacrifierai une victime de louanges ; c’est un sacrifice de « louange qui me glorifiera devant Dieu, un esprit pénitent est un sacrifice ». (Ps. 4,6 ; 115, 17 ; 49, 23 et L, 19) – « Que vous demande le Seigneur, sinon que vous l’écoutiez ? » (Mic. 6,8) – « Les holocaustes offerts pour les péchés ne vous étaient plus agréables ; alors j’ai dit : Je viens pour faire, ô mon Dieu, votre volonté ». (Ps. 50,18 et 39, 8, 9) Et en d’autres Prophètes : « Pourquoi m’apportez-vous l’encens de Saba ? » (Jer. 6,20) – « Éloignez de moi le son de vos cantiques : je n’écouterai plus les accents, de vos instruments de musique ».(Amo. 5,23) « Au lieu de tout cela, je veux la miséricorde et non le sacrifice ». (Os. 6,6)
Voyez-vous quels sacrifices rendent Dieu propice ? Voyez-vous qu’il y a déjà plusieurs siècles que, cette sorte d’offrande est sans valeur, tandis qu’une offrande nouvelle y a été substituée ? Présentons celle-ci. La première est le fait de là richesse et de ceux qui la possèdent ; la seconde est le propre de la vertu. L’une est extérieure, l’autre intérieure. Les premiers venus pouvaient pratiquer celle-là ; celle-ci est l’œuvre du petit nombre : Autant l’homme est meilleur et d’un plus grand prix que la brebis, autant notre sacrifice l’emporte sur l’ancien. Ici, en effet, vous apportez votre âme comme victime.
Toutefois il y a d’autres hosties encore, et qui sont à la lettre des holocaustes : j’ai nommé le corps de nos martyrs ; en eux, corps et âme, tout est saint. Tout, chez eux, respire un parfum d’agréable odeur. Et vous aussi, si vous le voulez, vous pouvez offrir un sacrifice de ce genre. Pourquoi regretter de n’avoir pu livrer votre corps aux flammes ? Ne pouvez-vous le consumer par un autre feu, par celui de la pauvreté volontaire, par celui de la souffrance ? En effet, avoir la faculté de mener vie joyeuse, abondante, délicate ; et choisir un régime laborieux et crucifiant, et mortifier ainsi votre corps, n’est-ce pas vraiment offrir un holocauste ? Frappez de mort, crucifiez cette chair, et vous recevrez la couronne d’un si noble Martyre. Ce que le glaive fait ailleurs, l’ardent héroïsme de votre cœur le reproduit ici. Que l’amour de l’argent ne vous brûle ni ne vous captive ; mais que le feu de l’esprit chrétien, au contraire, dévore et consume cette cupidité honteuse et criminelle ; qu’elle tombe sous ce glaive spirituel. Voilà un beau sacrifice ; il n’a pas besoin d’une main sacerdotale, mais la victime elle-même doit l’offrir ; il s’achève dans ce bas monde, mais il monte aussitôt vers les célestes hauteurs. N’admirons-nous pas qu’autrefois le feu, descendant du ciel, dévorait une oblation ? Il se peut, aujourd’hui même, qu’il descende encore un leu bien autrement admirable, et qui dévore toute une offrande, ou plutôt, non, qui ne la dévore pas, mais la transporte tout entière au ciel ! Loin de réduire nos dons en cendres, cette flamme les offre à Dieu. Telles étaient les offrandes de Corneille dont il est dit : « Vos prières et vos aumônes sont montées jusqu’en la présence et au souvenir de Dieu ». (Act. 10,4) Comprenez-vous – ce qu’il y a d’excellent dans l’union de ces deux œuvres ? Oui, nous sommes exaucés, quand nous exauçons nous-mêmes le pauvre qui nous prie. « Celui », dit l’Écriture, « celui qui se bouche les oreilles pour ne pas entendre la prière du pauvre, est certain que Dieu n’entendra pas non plus ses prières (Prov. 21,13). Bienheureux qui a l’intelligence des misères du pauvre et l’indigent : au jour mauvais, Dieu le délivrera ». (Ps. 40,2) Ce jour mauvais n’est autre chose que celui qui sera si redoutable aux pécheurs. Mais que veut dire « cette intelligence du pauvre ? c’est l’étude de l’indigence, c’est le zèle à connaître ses souffrances. Car quiconque aura compris ces souffrances du pauvre, bien certainement en prendra pitié. Si donc vous voyez un nécessiteux, ne passez pas votre chemin, mais plutôt pensez à ce que vous seriez, si vous étiez à sa place. Que ne voudriez-vous pas alors que chacun fit pour, vous ? Celui qui a l’intelligence, dit l’Esprit-Saint ; réfléchissez donc que le pauvre