Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/557

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se sont montrés dignes de biens plus nobles, n’ayant pas même voulu se lier à ceux de la terre.
Il me semble voir proposer à un sage certaines récompenses puériles, non qu’on veuille les lui faire agréer, mais pour lui donner occasion de montrer sa philosophie, parce qu’il demandera plus et mieux. L’apôtre a ainsi le dessein de nous montrer que les saints avaient à l’égard des choses terrestres, un si noble et si beau détachement, qu’ils ne voulaient pas même recevoir ce qu’on leur en offrait. Et c’est pourquoi leurs descendants les reçoivent, car eux, hélas ! sont dignes de la terre.
Mais qu’est-ce que « la cité qui a des fondements solides ? » C’est-à-dire que les fondations de ce monde ne méritent pas ce nom, si on les compare avec ceux de la cité dont Dieu est le fondateur et l’architecte. Ciel ! quel admirable éloge de cette cité d’en haut ! « Sara eut aussi la foi (11) ». Exemple parfaitement choisi pour faire rougir les Hébreux, puisqu’ils ont montré un cœur plus petit et plus étroit que celui d’une femme. Mais, objecterez-vous, comment, elle qui a ri si malencontreusement, est-elle ici vantée comme fidèle ? Ce rire était, en effet, d’une infidèle ; mais sa crainte aussitôt prouva sa foi. « Je « n’ai pas ri », s’écria-t-elle ; ce désaveu montre la foi qui rentre dans son cœur, et en bannit l’incrédulité. Donc : « C’est aussi par la foi que Sara étant stérile, reçut la vertu de concevoir un enfant, et qu’elle le mit au monde, malgré son âge avancé ». Qu’est-ce que la vertu de concevoir ? C’est-à-dire qu’elle devint féconde, elle qui était déjà comme morte et qui était encore stérile. Il y avait deux obstacles : son âge, car elle était vieille ; sa complexion, car elle était stérile.
« C’est pourquoi il est sorti d’un seul homme et qui était déjà mort, une postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel, et que les grains de sable sans nombre au bord de la mer (12) ». Ainsi cette multitude sortit d’un seul homme, d’après l’apôtre ; c’est dire que non seulement il rendit mère sa femme Sara, mais qu’elle le fut d’un nombre d’enfants tel que n’en produit pas le sein le plus fécond. Autant que d’étoiles, ajoute-t-il. Comment, alors, l’Écriture en a-t-elle fait souvent le dénombrement, elle qui disait : comme on ne peut nombrer les étoiles du ciel, ainsi votre postérité sera innombrable ? – Vous verrez ici ou bien un langage hyperbolique, ou bien une allusion à cette postérité réellement incalculable que la génération multiplie tous les jours. On peut dresser, en effet, la généalogie exacte d’une famille, mais de telle ou telle famille déterminée ; tandis que le dénombrement est impossible s’il s’agit de la race tout entière comparée aux étoiles.
3. Telles sont les promesses de Dieu ; telle est la facilité que nous avons d’en gagner la réalisation. Or, si ce qu’il a promis comme par surcroît est cependant si admirable, si magnifique et si splendide, de quelle nature seront les biens dont ceux-ci ne sont que le faible accessoire et comme la surabondance ? Quel bonheur est plus grand que d’acquérir ces biens parfaits, et quel malheur plus grand que de les perdre ? Un banni, rejeté du sol de sa patrie, un malheureux déshérité, font pitié à tous les hommes : mais celui qui est déchu du ciel, et de tous les biens que le ciel nous garde, n’a-t-il pas droit d’être pleuré avec des torrents de larmes ? Hélas ! non ! Il ne mérite point nos pleurs ! On en verse sur la victime de malheurs involontaires ; mais pour celui qui s’y précipite lui-même, par l’abus coupable de son libre arbitre, il mérite plus que nos larmes ; il lui faut nos lamentations et un deuil sans fin, car Notre-Seigneur Jésus-Christ a pleuré Jérusalem, bien qu’elle fût ingrate et impie ; et nous aussi, nous sommes dignes de gémissements sans fin, de lamentations sans mesure. Et quand même l’univers nous prêterait ses rochers, ses arbres, ses plantes, ses animaux terrestres et aériens ; quand le monde entier, pour mieux dire en un mot, emprunterait des millions de voix et pleurerait sur nous qui sommes déchus de si grands biens, non, le deuil du monde, cette lamentation universelle, ne serait pas à la hauteur d’une telle infortune !
Quel langage si sublime, en effet, quelle intelligence pourrait expliquer ce bonheur, cette puissance, cette volupté, cette gloire, cette joie, ces splendeurs que « l’œil de l’homme n’a point vues, que son oreille n’a pas entendues, que son cœur n’a jamais soupçonnées, et que cependant Dieu a préparées à ceux qui l’aiment ». (1Cor. 11,9) L’Écriture, qui parle ainsi, ne dit pas seulement que cette félicité surpasse notre intelligence, mais que jamais personne n’a pu concevoir les biens que Dieu réserve à ses amis. Et, de fait, de quelle nature ineffable ne doivent pas être des biens que Dieu même veut préparer et créer ? Si, aussitôt après nous avoir faits, antérieurement à toute bonne action de notre part, il daignait accorder à notre nature humaine tant de grâces, le paradis, la familiarité de ses entretiens, l’immortalité et la, promesse d’une vie bienheureuse et sans aucun chagrin ; que ne donnera-t-il pas à ceux qui pour son service auront fait tant de choses, soutenu vaillamment tant de combats et de souffrances ? Pour nous, en effet, il n’a pas épargné son Fils unique, il l’a livré pour nous à la mort. Si donc il a daigné nous honorer de tant de faveurs, alors que nous étions ses ennemis, quelle grâce nous refusera-t-il, une fois son amitié reconquise ? Que ne donnera-t-il pas, après nous avoir réconcilié avec lui ? pieu est si riche, et toutefois il ambitionne et désire de gagner notre amitié : et nous bien-aimés frères, nous n’avons point ce désir !
Que dis-je, Nous ne désirons pas ? Ah ! nous avons, moins que Dieu même, la volonté de conquérir le bonheur qu’il nous offre. Lui, par des actes inouïs de bonté, a fait preuve de son bon vouloir ; et nous, quand il y va de tout nous-même, nous ne savons pas mépriser un peu d’or, lorsque Dieu pour nous a donné son propre Fils. Profitons, enfin, comme il le faut, de ce divin amour ; exploitons cette adorable amitié ! « Vous êtes mes amis », nous dit-il, « si vous faites ce que je vous prescris ». (Jn. 15,14) Grand Dieu ! de vos ennemis, séparés de vous par la distance de