Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/594

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que tu as fait en secret, moi je le manifesterai à tous ». (2Sa. 12,12) Dieu, ici, nous parlait à tous et à chacun. Tu as craint les hommes, nous dira-t-il, et tu les a respectés plus que Dieu même ; sans souci du Dieu qui te voyait, tu as rougi seulement des regards humains. Car ces yeux des hommes, ajoute-t-il, c’était la crainte des hommes. Aussi, et pour ce sentiment même, tu seras puni ; je serai ton accusateur, je mettrai tes crimes sous les yeux du monde entier.
Que telle soit la vérité, qu’en ce grand jour nos péchés doivent être produits aux regards de tous comme sur un théâtre, à moins que dès maintenant nous ne les effacions par un souvenir persévérant ; vous le comprendrez, rien qu’à savoir comment sera solennellement accusée la cruauté, l’inhumanité de ceux qui n’auront pas eu pitié de leurs frères. « J’ai eu faim », dit Jésus-Christ, « et vous ne m’avez pas donné à manger ». (Mt. 25,42) Quand est-ce que retentiront ces paroles ? Est-ce dans quelque recoin obscur ? Est-ce en secret ? Non, non ! Quand sera-ce donc ? C’est à l’époque où le Fils de l’homme viendra dans toute sa gloire, quand il aura rassemblé devant lui toutes les nations, quand il aura séparé ceux-ci d’avec ceux-là, c’est alors que, devant le monde comme témoin, il prononcera, et qu’il placera les uns à sa droite et les autres à sa gauche, d’après l’arrêt. « J’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire ».
Voyez encore comme, en présence de tous, il prononce contre les vierges folles : « Je ne vous « connais pas ». Car ce partage de cinq vis-à-vis de cinq autres ne doit pas être pris à la lettre de ce chiffre ; il désigne encore les vierges méchantes, cruelles, inhumaines, toutes celles enfin de semblable catégorie. Ainsi encore, en face de tout le monde, et spécialement en présence de ses deux compagnons qui avaient reçu, celui-ci deux talents, celui-là jusqu’à cinq, l’enfouisseur de son talent unique s’entend appeler : « Serviteur mauvais et paresseux » (Mt. 25,26) ; et le maître fait connaître ces dépositaires, non seulement par les paroles qu’il leur adresse, mais par le traitement qu’il leur inflige. Dans le même sens, l’évangéliste a écrit : « Ils verront celui qu’ils ont percé ». (Jn. 19,37) Car à la même heure tous, justes et pécheurs, ressusciteront ; à la même heure aussi Jésus-Christ se montrera pour les juger.
Pensez donc à ce que deviendront alors ceux sur qui pèsera la honte, la douleur ; ceux qui se verront traînés en enfer, au moment où les autres recevront la couronne. « Venez », dit-il aux uns, venez, les bénis de mon père ; possédez le « royaume qui vous a été préparé depuis la création du monde ». Et aux autres, au contraire « Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu qui a été préparé pour le démon et pour ses anges. (Mt. 25,34-41)
Non contents d’entendre ces arrêts, plaçons sous nos yeux ce tableau, figurons-nous que le rt juge est là, qu’il prononce la sentence, qu’il nous envoie à ce redoutable feu. Quels seront alors nos sentiments ? Quelle sera notre consolation ? Que nous dira cette séparation effrayante ? Que répondrons-nous quand on nous accusera de rapine et de vol ? Quelle excuse pourrons-nous apporter ? Quelle apologie honnête présenter ? Aucune. Mais fatalement il faudra nous voir enchaînés, le front courbé de honte, traînés à la bouche de ces fournaises ardentes, à ce fleuve de feu, à ces ténèbres, à ce supplice éternel, sans pouvoir invoquer personne pour nous délivrer. Car « on ne peut », est-il écrit, « on ne peut passer d’ici là » ; entre nous et les élus, l’abîme est immense (Lc. 16,26) ; le voulussent-ils, il ne leur serait pas permis de le franchir ni de nous tendre la main ; il faut de toute nécessité souffrir à tout jamais, sans que personne vous soit en aide, fût-il votre père, votre mère, quel qu’il soit enfin, quand même il jouirait d’un grand crédit auprès de Dieu.
« Car le frère » ; dit le Prophète, « ne rachète point son frère : un homme en rachèterait-il un autre ? » (Ps. 48,8)
Puis donc qu’il ne nous est permis d’attendre notre salut de personne, si ce n’est de nous-mêmes, aidés toutefois d’abord de la bonté et de l’a miséricorde de Dieu, je vous en prie, faisons tout au monde pour que notre vie soit pure et parfaitement réglée, exempte surtout d’une première tache ; sinon, après une première tache même, ne nous endormons point ; et plutôt, persévérons dans la pénitence, les larmes, les prières, l’aumône, pour effacer nos souillures.
Mais que ferai-je, dira quelqu’un, si je n’ai pas de quoi donner l’aumône ? – Si pauvre que vous soyez, vous avez bien sans doute un verre d’eau froide ; vous avez bien deux oboles ; vous avez deux pieds pour visiter les malades et pénétrer dans les prisons ; vous avez un toit pour recevoir les étrangers. Car il n’y a pas, non, il n’y a pas de pardon pour qui ne fait point l’aumône, pour qui ne sait pas user de miséricorde. Nous vous le répétons constamment, afin que nos constantes redites produisent enfin quelque mince effet. Nous tenons ce langage moins dans l’intérêt de ceux à qui vous ferez du bien, que pour votre avantage à vous-mêmes ; vous ne leur donnez que des biens présents, tandis que vous recevez les biens célestes. Puissions-nous les acquérir, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel appartiennent au Père, dans l’unité du Saint-Esprit, la gloire, l’honneur, etc.