Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/61

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œuvre, il opère en moi de la vouloir. Et par le bien que j’accomplis il fortifie encore ma première volonté.
2. Peut-être aussi l’apôtre parle-t-il ainsi par un motif de grande piété, comme quand il appelle grâces nos bonnes œuvres mêmes. Or, de même qu’en les appelant grâces, il ne prétend pas renverser notre libre arbitre et qu’il respecte au contraire notre parfaite autonomie ; ainsi quand il déclare que Dieu opère en nous le vouloir même, il n’entend pas nous priver de notre libre arbitre, mais il nous montre qu’en faisant le bien nous acquérons plus encore l’inclination à bien vouloir. Car, comme en faisant on apprend à faire, ainsi en ne faisant pas on désapprend. Avez-vous donné l’aumône ? vous excitez d’autant plus en vous la sainte passion de la charité ; avez-vous négligé de la donner ? vous êtes devenu plus lent à la faire. Avez-vous passé un jour entier dans la chasteté ? c’est un encouragement à faire de même le jour suivant. Avez-vous été négligent, vous aurez accru votre négligence. « L’impie », selon l’Écriture, « arrivé aux dernières profondeurs du mal, méprise ». (Prov. 18,3) Autant donc a de mépris et d’indifférence celui qui est tombé au fond de l’abîme, autant a de zèle et de vigilance celui qui s’élève aux sommets du bien. L’un par désespoir devient plus négligent ; l’autre heureux du trésor amassé déjà, grandit en vigilance de peur de tout perdre.
« D’après la bonne volonté », dit saint Paul, c’est-à-dire, selon votre charité, selon votre soin à lui plaire et à produire les œuvres qu’il aime, et qui sont en harmonie avec sa sainte loi. Le saint vous enseigne et vous encourage ici : certainement, dit-il, Dieu opérera en vous. Il exige, en effet, que notre vie soit d’accord avec sa volonté ; or, si Dieu veut, et si d’ailleurs ce qu’il veut, il l’opère lui-même, bien certainement il le fera pour vous, il vous donnera la grâce d’une vie sans reproche : car là se réduit sa volonté. Vous voyez donc que Paul ne détruit pas ici notre liberté.
« Faites donc toutes choses sans murmures et sans hésitation ». Quand le démon ne peut autrement nous détourner de la voie du bien, il essaie un dernier moyen pour faire évanouir au moins notre récompense. Il nous pousse à l’amour de la vaine gloire ou à la complaisance en nous-mêmes, ou du moins, en cas d’insuccès de ces pièges, il éveille en nous l’esprit de murmure ou d’hésitation. Voyez comme saint Paul nous en préserve. Il a parlé de l’humilité, et vous l’avez entendu combattre ainsi l’orgueil ; il a parlé du goût pour la vaine gloire, et rabaissé notre vanité ; ici encore il répète ces leçons quand il recommande de bien agir, mais non pas seulement en sa présence ; maintenant il nomme en passant et il condamne les murmures et l’hésitation. Mais pourquoi, voulant guérir les Corinthiens de cette même maladie, leur a-t-il apporté l’exemple des Israélites, tandis qu’en ce passage il n’emploie aucun argument de ce genre, et se contente de rappeler un précepte ? C’est qu’à Corinthe le mal était invétéré et il fallait bien sonder les profondeurs de la blessure, et procéder par de vifs reproches ; à Philippes, au contraire, il ne doit que prévenir le mal, et il suffit d’un avis. À des gens qui n’avaient pas encore péché il était inutile d’adresser de sévères paroles dans le seul but de les préserver. Déjà même pour leur faire aimer l’humilité, il ne s’est point servi de l’exemple évangélique où est raconté le supplice de l’orgueil ; il a cherché, au contraire, en Dieu même son modèle pour les exhorter ; il leur a parlé non comme à des esclaves, mais comme à des fils légitimes. En effet, un caractère honnête et généreux n’a besoin, pour être entraîné à la vertu, que des exemples d’hommes vertueux et de nobles actions ; les cœurs mauvais, au contraire, doivent entendre l’histoire funeste de ceux qui ont failli au devoir ; l’un est pris par le motif de l’honneur, l’autre par la terreur du supplice. Pour la même raison, dans l’épître aux Hébreux, Paul rappelle cet Esaü qui vendit pour un vil aliment son droit d’aînesse, et il ajoute : « Si l’homme se retire de moi, il me déplaira ». (Héb. 10,38) Or, parmi les Corinthiens, plusieurs s’étaient livrés au libertinage. Aussi leur disait-il : « Quand je reviendrai chez vous, puisse Dieu ne pas m’humilier encore, et me réduire à pleurer bon nombre de ceux qui déjà ont péché et n’ont pas fait pénitence des impuretés, fornications, impudicités qu’ils ont commises. Puissé-je vous trouver simples, exempts de tous reproches » (1Cor. 10,10), c’est-à-dire, purs de tout blâme devant votre conscience et devant Dieu. Car l’esprit de murmure fait commettre des fautes graves. – Que veut dire précisément « sans hésitation ? » Ce péché a lieu quand on se demande sans fin :