Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/72

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plus moi qui vis, mais c’est Jésus-Christ qui vit en moi » ; lui, le vase d’élection à qui le Seigneur lui-même rendait ce témoignage « Cet homme est pour moi un vase choisi ! »
Je devrais vous laisser dans le doute et ne pas vous donner la solution de ces problèmes, mais vous punir ainsi de votre négligence et de votre oubli de nos saints livres ; car tout le mal vient de là. Chercheurs infatigables et cruels quand il s’agit des péchés d’autrui, nous n’avons pas même la pensée des nôtres, ignorants que nous sommes des Écritures, et nullement instruits de la loi de Dieu. Oui, je vous devrais ce légitime châtiment. Mais quoi ? je suis père ; un père est toujours trop indulgent pour ses enfants, parce que ce cœur paternel ne peut perdre sa chaleur ; à l’aspect d’un fils triste et défait, il se trouve frappé, plus que lui-même, d’une douleur poignante ; il n’est heureux que quand il a détruit la cause de ce chagrin. Puissé-je y réussir, moi aussi, bien que je vous aie laissé quelque peu avec le chagrin de ne pas être consolés, afin qu’à présent vous receviez mieux la consolation.
6. Que répondrai-je donc ? Non, les exemples précipités ne répugnent pas, bien au contraire, ils sont pleinement d’accord avec les préceptes de Jésus-Christ. Car ces préceptes étaient faits pour un temps et non à perpétuité. Et je n’avance pas là une conjecture, mais une vérité déduite des saintes Écritures. Comment ? Saint Luc rapporte les paroles mêmes de Notre-Seigneur à ses apôtres : « Quand je vous ai envoyés sans sac ni besace, sans ceinture ni chaussures, quelque chose vous a-t-il manqué ? Rien absolument, répondirent-ils ». (Lc. 22,35-36) Désormais donc, sachez vous en procurer.
Comment d’ailleurs n’avoir qu’une tunique, une seule ? Comment ? Quand elle avait besoin d’être lavée, fallait-il rester chez soi ou même sortir par nécessité, mais sans tenir compte des bienséances ? Réfléchissez à l’étrange position qui aurait été faite à saint Paul appelé à parcourir le monde entier pour des œuvres si grandes et si nobles, la privation d’un vêtement l’eût condamné à s’enfermer ; elle aurait fait obstacle à sa haute mission ! Et que serait-il arrivé si l’hiver avait été rigoureux, si les pluies ou les glaces eussent été continuelles, de sorte qu’il eût été impossible de faire sécher cet unique vêtement ? Fallait-il encore que l’apôtre demeurât enfermé ? Et si le froid avait raidi ses membres, devait-il périr et s’interdire la parole ? Car n’allez pas croire que le corps de ces premiers apôtres ait été de diamant. Écoutez ce que saint Paul dit à Timothée : « Usez d’un peu de vin, à cause de votre estomac et de vos fréquentes maladies » ; et d’Epaphrodite : « J’ai cru devoir vous renvoyer cet apôtre qui m’a tant aidé aux jours de ma détresse ; il a été malade jusqu’à en mourir, mais Dieu a eu pitié de lui, et non seulement de lui, mais de moi-même aussi ». (1Tim. 5,23 ; et Phil. 2,25) Ils étaient donc sujets à toute maladie ou infirmité. Fallait-il donc qu’ils se laissassent mourir ? Non, évidemment. Pour quelle raison donc le Seigneur, à une certaine époque, leur donnait-il le précepte de n’avoir ni sac, ni besace, etc ? Il voulait sur l’heure y pourvoir par un prodige, et montrer que dans l’avenir même il serait encore assez puissant pour y suffire. Et toutefois il n’y suffit point ; pourquoi ? Car, enfin, les apôtres valaient mieux incontestablement que les Israélites, dont les vêtements ni la chaussure ne s’usèrent point pendant quarante ans, bien qu’ils parcourussent le désert, brûlés par les rayons d’un soleil capable de calciner les rochers mêmes. Pourquoi donc fit-il moins pour ses apôtres ? Pour votre intérêt. Dieu savait que vous ne seriez pas invulnérables, que plus d’une blessure au contraire vous atteindrait ; il vous a donc créé le moyen de vous préparer les médicaments ; et la preuve de cette intention divine, écoutez-la. Dieu ne pouvait-il nourrir ses apôtres ? Ce qu’il vous a donné à vous, pécheur, l’aurait-il refusé à Paul ? Lui qui s’est montré généreux pour les Israélites murmurateurs, débauchés, idolâtres, aurait-il été avare à l’égard de Pierre, qui avait tout quitté pour lui ? Lui qui autorise la propriété en faveur des méchants, comment aurait-il été moins gracieux à l’égard de Jean qui, pour lui, avait abandonné jusqu’à son père même ? Et cependant, il ne l’a pas voulu ; mais c’est par vous qu’il veut les nourrir, afin que vous ayez une occasion de vous sanctifier.
Et, de grâce, remarquez l’excès de sa bonté à votre égard. Il a voulu abaisser ses disciples pour vous relever. S’il les avait mis au-dessus du besoin, ils auraient gagné en admiration et en gloire : mais vous auriez perdu pour votre salut. Loin de les rendre admirables en ce point, il les a voulus nécessiteux et humbles