Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/75

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cœur. Lequel vaut mieux, en effet, dites-moi, du corps ou de l’âme ? Celle-ci, évidemment. Donc la circoncision charnelle n’est pas la meilleure, et même la circoncision spirituelle est la seule vraie. Tant que dura l’obligation du rite extérieur, il y avait lieu à comparer les deux circoncisions ; on pouvait parler, avec l’apôtre, « de retrancher telles parties superflues de notre cœur ». Saint Paul, parlant aux Romains, pouvait exalter cette circoncision spirituelle et s’écrier : « Le vrai juif n’est a pas celui qui l’est au-dehors, et la véritable circoncision n’est pas celle qui se fait dans la chair ; mais le vrai juif est celui qui l’est intérieurement, et la circoncision véritable, est celle du cœur qui se fait par l’esprit et non selon la lettre ». (Rom. 2,28) Ici, saint Paul va plus loin ; il refuse au rite ancien son nom même, il ne veut plus qu’il s’appelle circoncision. Car la figure peut avoir le nom de la vérité, tant que celle-ci n’a pas brillé ; mais elle doit le perdre aussitôt que la vérité paraît. Il en est de même dans l’art de la peinture. Supposez un portrait de l’empereur, mais seulement au trait et à l’état d’ébauche ; tant que l’éclat des couleurs n’a pas accusé le modèle, nous ne disons pas que le prince est là ; mais quand la couleur a été posée, le premier trait s’efface, se couvre sous ce ton plein de vérité, et nous disons : Voilà l’empereur ! Aussi saint Paul ne dit pas : Nous avons ; mais bien « Nous sommes » la circoncision, et son langage est très exact. La circoncision par la vertu, tel est le chrétien, en toute vérité. Il n’ajoute pas : Les juifs ne l’ont plus ! mais « Prenez garde à ces misérables coupés ! » Désormais ils marchent dans la mort et le vice. Et pour mieux montrer que la circoncision ne doit plus être opérée sur le corps, mais sur le cœur, il ajoute : « N’ayez plus de confiance en un avantage charnel ».

« Ce n’est pas que moi-même je ne puisse prendre avantage du côté de la chair ». Qu’est-ce à dire « prendre avantage » et « du côté de la chair ? » Ce serait en tirer vanité, en parler avec sérieux et avec pleine confiance. Cette réflexion est belle et prudente. Car si Paul était né dans la gentilité, et qu’il accusât dès lors et la circoncision et ceux même qui la recevaient sans raison, il me paraîtrait si ardent à l’attaque que, pour des motifs personnels, il laisserait voir qu’il est privé de cette marque de noblesse qui caractérisait le judaïsme ; qu’il en ignore la grandeur et la majesté ; qu’il n’a pas la gloire d’y participer. Mais, maintenant circoncis et censeur toutefois de la circoncision, il ne l’attaque pas par le dépit d’en être exclus, mais par le devoir qu’il a de la condamner ; loin d’agir avec ignorance, c’est en toute connaissance de cause. Voyez ce qu’il dit en cas semblable dans l’épître aux Galates ; réduit à la nécessité de se glorifier lui-même, il révèle encore une grande humilité : « Vous savez », dit-il, « de quelle manière j’ai vécu autrefois dans le judaïsme ». (Gal. 1,13) — Or, ici, c’est le même langage : « Si quelqu’un croit pouvoir tirer vanité de cet avantage charnel, je le puis encore plus que lui » ; et il ajoute aussitôt : « Né Hébreu de pères Hébreux ». Il ne commence pas par cette recommandation de sa naissance, comme si son premier but avait été de parler ainsi de lui-même, il a commencé au contraire par ces mots : « Si quelqu’un » m’oppose cet avantage, montrant ainsi qu’il s’avance parce qu’il le faut, et qu’il parle uniquement à cause de l’objection. Si vous avez confiance, dit-il, j’en ai plus que vous. Vous me forcez à le dire, sans quoi je me tairais. Et toutefois, jusqu’en sa réplique, il évite le ton de l’aigreur ; il frappe sans nommer personne, il donne ainsi facilité d’éviter le coup en reculant. — « Si quelqu’un croit pouvoir tirer vanité ». Il choisit cette expression : « Croit pouvoir… », ou bien, parce qu’en effet leur confiance était moindre au fond qu’elle ne paraissait, ou parce que ce n’était pas une véritable confiance ; tous ces avantages de nation ou de rite venant de la nécessité et non d’un libre choix.

« J’ai été circoncis au huitième jour ». Il commence par l’avantage le plus prisé de ses adversaires, la circoncision : « Étant », ajoute-t-il, « de la race d’Israël » : ce double fait montre aussi qu’il n’était ni prosélyte, ni même fils de prosélytes. Le non-prosélytisme se prouve par sa circoncision dès le huitième jour ; et le fait que ses ancêtres n’étaient pas simplement prosélytes, ressort de ce qu’il était de la race d’Israël. Et pour que ces mots « la race d’Israël » ne soient pas compris d’une des dix tribus schismatiques, il se déclare de la tribu de Benjamin, comme s’il disait de la plus saine partie de la nation, car le sort avait placé dans cette tribu les biens propres aux prêtres. « Hébreu né de pères Hébreux », nouvelle