Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/76

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preuve qu’il n’est pas simplement prosélyte, mais d’origine antique et issu des plus nobles juifs. On pouvait être israélite ; en effet, sans être pour cela hébreu ni de pères hébreux. Bon nombre de juifs avaient déjà corrompu leur sang et ne gardaient plus même leur langage national, par suite d’alliances avec les gentils. Saint Paul rappelle donc cette dégénération de tant d’autres, en même temps que la noblesse bien conservée de son origine.

« Pour la manière d’observer la loi, j’étais pharisien ; pour le zèle du judaïsme, j’ai été persécuteur de l’Église ; et pour la justice légale et mosaïque, ma vie fut irréprochable ». L’apôtre aborde les avantages qui résultaient de son libre choix, ceux qu’il a précédemment énumérés ne venant pas de sa volonté. En effet, ni sa circoncision, ni son origine israélite, ni sa naissance dans la tribu de Benjamin, n’étaient son œuvre. Si, dans cette dernière catégorie, il avait des compagnons de gloire, du moins les faits qu’il va énoncer le relevaient au-dessus d’eux. Vous voyez pourquoi il dit : « J’ai plus » que personne ? C’est qu’en effet, déjà il avait une série d’avantages : il n’était pas simple prosélyte, il sortait d’une tribu très estimée ; il tenait tout cela d’ancienne date et de ses ancêtres ; bien des judaïsants ne pouvaient rien dire de semblable. Mais comme on n’apercevait rien là qui fût le fruit de son libre choix, il arrive aux avantages que sa volonté a déterminés, et il rappelle tout d’abord : « Selon la loi, j’étais pharisien ; et selon le, zèle, j’étais persécuteur de l’Église ». Ce dernier trait semble corroborer le premier, et prouver mieux encore son pharisaïsme. On pouvait être pharisien sans pousser jusque-là le zèle. — Enfin, « selon la justice de la loi, j’ai mené une vie irréprochable ». Il se peut, en effet, qu’on méprise le péril par amour du commandement, comme faisaient les princes des prêtres, et non par zèle de la loi. Paul n’avait point ce caractère ; jusqu’au point de vue de la justice légale, sa vie était sans reproche. Si donc je surpassais tous mes rivaux par la noblesse de mon origine, par mon zèle et mon ardeur, par ma vie et mes mœurs, pourquoi ai-je renoncé à toutes ces gloires, sinon parce que j’ai trouvé dans ce que Jésus-Christ m’offrait, plus de grandeur et des avantages vraiment incomparables ? Car « ce que je considérais comme un gain m’a paru depuis, en regardant Jésus-Christ, un désavantage et une perte ».

3. Ce genre de vie si parfaite selon le judaïsme, et par lui embrassée dès l’enfance, cette noblesse d’origine, ces dangers et ces travaux affrontés jusqu’alors, ce beau zèle, tous ces avantages enfin ; ne furent plus aux yeux de Paul que de véritables malheurs et des pertes ; il abjura ce qui lui avait été si avantageux, pour gagner Jésus-Christ. Et nous, l’attrait de gagner Jésus ne suffit pas pour nous inspirer le mépris de l’argent : que dis-je ? La perte du salut éternel nous effraie moins que celle des biens présents, quoiqu’ils ne soient autre chose que dommage et que ruine. Examinons plutôt en détail, je vous prie, ce qui se trouve au fond des richesses. Ne doit-on pas appeler dommage et ruine, ce qui vous produit d’inexprimables ennuis sans aucune compensation ? Ainsi, répondez-moi, quel avantage trouvez-vous à posséder des vêtements en grand nombre et de grand prix ? Que gagnons-nous à les porter ? Rien absolument, rien que peine et dommage. N’est-il pas vrai que le pauvre, sous un vêtement grossier et usé, supporte facilement les plus fortes chaleurs de l’été ? Il les endure même plus aisément ; car un tissu simple et déjà fatigué gêne d’autant moins vos membres et vous facilite la respiration ; au contraire, quand il est neuf, fût-il plus léger qu’une toile d’araignée, il vous fatigue davantage. D’ailleurs vous qui êtes heureux d’étaler votre luxe, il vous faut l’une sur l’autre deux et trois tuniques, souvent même un manteau, puis une ceinture, puis des caleçons. On en estime pas moins le pauvre pour n’avoir qu’une tunique ; il n’en supporte que mieux la chaleur de l’été. Nous voyons souvent les riches inondés de sueur, et les pauvres, jamais. Ainsi, puisqu’on trouve le même usage et même un meilleur usage dans ces vêtements grossiers et qui ne coûtent presque rien ; tandis que ceux qu’on aura payés au poids de l’or, ne rendent pas plus de services, dites, n’y voyez-vous pas une inutile dépense, un vrai dommage ? Ils ne sont ni plus utiles, ni plus commodes : ils vous ont coûté plus d’argent, voilà tout ! Tout au plus sont-ils de même usage et de même commodité. Seulement vous, riche, vous les avez achetés cent, peut-être même mille écus d’or, et le pauvre a ce qu’il lui faut pour quelques pièces d’argent. Voyez-vous le dommage ? Mais le luxe est aveugle.