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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/132

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c’est comme chez les poissons où le plus fort dévore le plus faible ? Eh bien ! que serait-ce si la mort n’était pas prête à nous frapper ? Où s’arrêterait la cupidité ? Si tes hommes, sachant qu’ils ne jouiront pas du fruit de leurs rapines et qu’ils devront bon gré mal gré le laisser en d’autres mains, n’en sont pas moins en proie à ce vertige et à cette rage, comment pourrait s’éteindre la flamme de leurs mauvais désirs, s’ils pouvaient les satisfaire en toute sécurité ? Eh quoi ! Les couronnes du martyre, n’est-ce pas la mort qui les tresse ? Et saint Paul, ne s’est-il pas élevé d’innombrables trophées, lui qui disait : « Il n’y a point de jour que je ne meure, j’en atteste la gloire que je reçois de vous ? » (1Cor. 15,31) La mort n’est pas un mal, ce qui est un mal c’est la mauvaise mort. Aussi le Prophète dit-il : « La mort de ses saints est précieuse devant Dieu (Ps. 115,15) », et ailleurs : « La mort des pécheurs est mauvaise », appelant mauvaise la mort de ceux qui sortent de la vie avec une mauvaise conscience, une conscience qu’accablent le poids et le souvenir de nombreux péchés. Tandis que celui dont la conscience est pure, en sortant de cette vie court s’emparer des récompenses et de la couronne qui lui sont réservées. Afin de comprendre que ce n’est pas la nature même des choses, ruais l’opinion des hommes, qui nous trouble lorsque nous songeons à la mort, écoutez ce que dit saint Paul quand il s’occupe de ce sujet « Car tandis que nous sommes dans cette tente nous gémissons, attendant l’effet de l’adoption divine, la rédemption et la délivrance de nos corps. » (2Cor. 5,1 ; Rom. 8,23) C’est pour nous prouver la même chose qu’il dit ailleurs : « Mais quand même je devrais répandre mon sang sur la victime et le sacrifice de votre foi, je m’en réjouirais en moi-même, et je m’en conjouirais avec vous tous : et vous devriez aussi vous en réjouir, et vous en conjouir avec moi. » (Phil. 2,17, 18) Si la mort loin d’être un objet d’horreur, est désirable pour ceux qui vivent vertueusement, combien plus doit-il en être de même de la pauvreté et de tout le reste. « Les œuvres ont été méditées de manière à satisfaire toutes ses volontés. » Un autre, « ont été soignées. »
Ici le Prophète me semble parler des créatures, et proclamer la sagesse de Dieu. Plus haut il nous parlait des actes de sa Providence quoique nous ayons, pour nous mettre à la portée de la faiblesse d’esprit de ceux qui nous écoutaient, donné encore un autre sens à ses paroles) il nous parlait des prodiges, des merveilles, qu’il a si souvent accomplis dans le gouvernement de la race humaine. Quel est le sens de ces paroles : « Ses œuvres ont été méditées de manière à satisfaire toutes ses volontés ? » Elles sont faites avec soin, comme le dit un autre interprète, elles sont préparées, agencées, elles sont faites, complétées, de manière à satisfaire pleinement ses volontés, de manière à prouver sa puissance, elles ne sont pas imparfaites, elles ne sont pas au-dessous de leur fin qui est de concourir à l’accomplissement de ses ordres. C’est aussi ce que le Prophète dit ailleurs : « Le feu, la grêle, la neige, les vents et les tourbillons, tout sert à l’exécution de ses plans (Ps. 148,8) », c’est-à-dire à l’exécution de ses ordres. C’est encore dans le même sens qu’il a dit : « Il a fait la lune pour marquer les temps, le soleil connaît l’heure de son coucher : vous amenez les ténèbres, et la nuit se fait. » (Ps. 103,19-20) Dieu ne s’est pas contenté d’organiser toutes choses pour suivre immuablement l’ordre que nous leur voyons observer : même quand il leur ordonne le contraire, elles lui obéissent docilement. Il donne un ordre à la mer, et la voilà qui, non seulement n’engloutit pas les Juifs, comme il eût été dans sa nature de le faire, mais qui étend et aplanit ses vagues, présente une surface plus solide que la pierre et les transporte sur la rive opposée. (Ex. 14,22) non seulement la fournaise ne brûla pas, mais encore elle produisit de la rosée avec des sifflements. (Dan. 3,24) non seulement les bêtes féroces ne dévorèrent pas Daniel, mais encore elles lui servirent de gardes du corps. (Id. 22) non seulement la baleine ne dévora pas Jonas, mais encore elle le conserva sain et sauf comme un dépôt qui lui aurait été confié. (Jon. 2) non seulement la terre refusa de porter Dathau et Abiron, mais encore elle se montra plus terrible que la ruer lorsqu’elle s’ouvrit pour les engloutir et les dévorer et les faire disparaître devant le peuple assemblé. (Nb. 16,32) On pourrait encore voir bien d’autres merveilles dans la création, et qui devraient convaincre ceux qui sont assez insensés pour défier la Nature, que la création n’obéit pas fatalement à ses lois, mais que tout cède et fléchit devant la