t-on, n’est-ce pas la même chose que de dire : si tu brûles, marie-toi ? D’abord, quand bien même ce serait la même chose, on aurait tort néanmoins de défigurer le vrai texte de l’Écriture, et de prêter au sens du texte sacré ses propres expressions. Mais, de plus, ce n’est pas du tout la même chose, et nous allons le montrer. En effet, dire simplement : si tu brûles, marie-toi, ce serait donner le droit à tous ceux qui ont fait vœu de célibat, pour peu qu’ils fussent tourmentés parla concupiscence de rompre leurs engagements avec Dieu, et de courir se marier, au mépris de leur promesse.
3. Si au contraire vous savez à qui Paul s’adresse, et que ce n’est pas à tous indistinctement, mais seulement à ceux qui n’ont jamais contracté d’engagement, vous saurez alors faire justice de cette liberté pernicieuse et funeste. Je parle, dit Paul, pour les célibataires et les veuves, non pour celles qui ont fait vœu de viduité, mais pour celles qui ne se sont arrêtées à aucun parti et sont encore dans l’indécision à cet égard. Par exemple, une femme a perdu son mari, elle n’a pas encore résolu ni décidé en elle-même si elle doit rester fidèle à la viduité ou prendre un autre époux. Je lui fais savoir, dit Paul, qu’il est mieux qu’elle reste ainsi. Mais si elle ne peut résister à un tel fardeau, qu’elle se marie. Quant à celles qui ont déjà pris un parti et se sont enrôlées parmi les veuves fidèles, quant à celles qui ont des engagements avec Dieu, il ne dit nullement qu’elles soient libres de convoler en secondes noces. Aussi écrivant à Timothée il s’exprime à peu près comme il suit : « Écarte les jeunes veuves ; car après s’être dégoûtées du Christ, elles veulent se marier, s’attirant ainsi la condamnation, puisqu’elles ont violé leur première foi. » (1Ti. 5,11-12) Voyez-vous comment ici il les punit, les châtie, les menace de condamnation, pour avoir enfreint leurs engagements à l’égard de Dieu, et trahi leur promesse ? Il est donc clair que ce texte ne s’applique pas à celles qui ont fait des vœux. Par conséquent, il ne faut plis le citer purement et simplement, mais savoir encore quelles personnes les Écritures ont eu en vue.
Il y a encore un texte que l’on colporte, non plus en l’altérant dans sa forme, mais en y introduisant quelque chose qui ne s’y trouve pas. Telle est la malice du diable : additions, retranchements, changements, altérations des textes, tout lui est bon pour introduire les doctrines de perdition. Quelle est donc cette parole ? La voici : A moi est l’argent et à moi l’or ; et à qui je voudrai, je les donnerai. Une partie de cette phrase est prise dans l’Écriture, l’autre ne s’y trouve pas : c’est une pièce étrangère qu’on y a rajustée. « À moi est l’argent et à moi l’or » est en effet, une parole du prophète. Quant à « Et à qui je voudrai, je les donnerai, » ceci n’est plus dans le texte, c’est une addition imputable à l’ignorance de ceux qui le citent. Et quel mal résulte-t-il de cette nouvelle altération ? Une foule de scélérats, de fourbes, de libertins qui ne sont pas dignes même devoir la lumière du soleil, de vivre, de respirer, se procurent une grande opulence, en bouleversant tout, en pillant les maisons des veuves, en dépouillant les orphelins, en opprimant les faibles. En conséquence, le diable, voulant persuader aux hommes que toute richesse vient d’en haut et de la munificence divine, afin d’exciter par là de nombreux blasphèmes contre le Seigneur, a pris dans l’Écriture cette parole : « À moi est l’argent, et à moi l’or, » et y a ajouté ceci qui n’est plus dans le texte : Et à qui je voudrai, je les donnerai. Le prophète Aggée ne dit point cela. À leur retour du pays des barbares, les Juifs avaient à relever leur temple et à lui rendre son ancienne splendeur. Mais ils étaient dans l’embarras, pressés par l’ennemi, par la disette, et manquant de ressources. Alors voulant leur rendre la confiance et leur faire espérer une heureuse issue, Aggée leur dit, au nom du Seigneur : « A moi l’argent, et à moi l’or ! la gloire de cette dernière maison sera encore plus grande que celle de la première. » (Agg. 2,9-10)
Et qu’est-ce que cela fait à notre objet ? Cela prouve qu’il faut se garder de traiter légèrement les textes des Écritures, de les isoler de ce qui les explique et s’y enchaîne, de les priver de la lumière que leur prêtent ce qui précède et ce qui suit pour en médire étourdiment et les calomnier. Si devant un tribunal qui statue seulement sur des choses mondaines, on a soin de produire toutes les raisons pour et contre, lieux, circonstances, motifs, personnes, que sais-je encore ? comment ne serait-il pas absurde, lorsqu’il s’agit pour nous de la vie éternelle, de citer inconsidérément lés textes de l’Écriture ? On se garde bien
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