sans qu’il y manquât rien. Aussi, interrogé sur son règne, disait-il : « Je suis né pour régner. » (Jn. 18,37) Une autre fois on lui présente le paralytique, et, après lui avoir remis ses fautes : « Pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a la puissance de remettre les péchés sur la terre, prends toit lit, lui dit-il, et va-t’en dans ta demeure. » (Mt. 9,6) La foule disait : il fait tout, comme ayant la puissance ; mais lui : « Le Fils de l’homme a la puissance de remettre les péchés sur la terre », et encore. « J’ai la puissance de déposer ma vie, et la puissance de la reprendre. » (Jn. 10,18)
Ainsi, il a la puissance de porter des lois, il a la puissance de remettre les péchés, il a la puissance sur la vie et sur la mort, et vous prétendez qu’il ne peut rien par lui-même ? – Est-il rien de plus éclatant que notre triomphe ?
6. Maintenant que nous en avons fini avec les hérétiques, si vous le voulez, arrivons à la conclusion : je veux vous montrer tout d’abord que ce mot : « Il ne peut », appliqué à Dieu, est une preuve, non de faiblesse, mais de force. Quelque surprenante que vous paraisse cette assertion, je ne vous en donnerai pas moins une démonstration éclatante. Si je dis que Dieu ne peut faillir, je ne l’accuse pas de faiblesse, mais je porte témoignage de sa puissance infinie. Si je dis que Dieu ne peut mentir, c’est encore même témoignage. Ainsi, Paul disait : « Si nous persévérons, nous régnerons avec lui ; si nous cessons de croire, lui-même demeure fidèle, car il ne peut se démentir. » (2Tim. 2,11-13) Voyez-vous que ce mot : « il ne peut » est une marque de sa puissance.
Et pourquoi parler de Dieu ? Les choses matérielles elles-mêmes viennent à l’appui de mon raisonnement. Si je dis que le diamant ne peut se briser, est-ce de sa faiblesse ou de sa grande force que je témoigne ainsi ? Alors donc que vous entendez dire que Dieu ne peut faillir, que Dieu ne peut mentir ni se démentir, ne voyez pas dans cette parole une accusation de faiblesse, mais l’aveu d’une puissance infinie : c’est dire que son essence n’admet pas le mal, qu’elle est incorruptible, immaculée, supérieure.
Puisque voilà cette difficulté bien tranchée, tournons maintenant, sur notre propre sujet, l’effort de notre discours. « Le Fils ne peut rien faire par lui-même. » Que veut dire ce « par lui-même ? » Si vous l’entendez en son vrai sens, vous y verrez l’étroite union de Jésus avec son Père, l’identité de leur substance, en un mot la consubstantialité du Père et du Fils. Que signifie donc « Il ne peut rien par lui-même ? » Qu’il ne peut rien faire qui lui soit propre en dehors de son Père, rien de personnel, de distinct, rien d’étranger au Père, rien d’autre enfin que ce que fait le Père : car ce que fait l’un, l’autre le fait aussi. Donc le mot, il ne peut rien faire par lui-même, n’est la négation ni de sa liberté, ni de sa puissance, mais la manifestation de l’union du Père et du Fils, le témoignage de leur accord, de leur étroite union, le signe enfin de leur identité.
Car, comme il rompait le sabbat, et que les Juifs l’accusaient de violer la loi, en disant le Seigneur a ordonné une chose, et tu en fais une autre, il abat leur impudence par ces mots : Je n’ai rien fait que n’ait fait mon Père, je ne lui suis ni opposé, ni ennemi. S’il ne s’est pas exprimé en ces termes, s’il a revêtu sa pensée d’une enveloppe plus terrestre et plus épaisse, songez qu’il parlait à des Juifs, qui le prenaient pour l’ennemi de Dieu. Aussi pour qu’on ne pût le croire tel, ajoute-t-il aussitôt : « Les actes qu’il fait, le Fils les fait également. » (Jn. 5,19) Or, s’il ne fait rien par lui-même, comment les fait-il également ? Faire n’est rien ; les apôtres faisaient à son exemple, ils réveillaient les morts, ils guérissaient les lépreux, mais non pas également, comme lui. Comment donc faisaient-ils ? Pourquoi vous attacher à nous, disent-ils, comme si nous avions fait marcher cet homme de notre propre autorité, par notre propre puissance ? (Act. 3,12) Et Jésus ? « Afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a la puissance de remettre les péchés sur la terre (Mc. 2,10 ; Lc. 5,24) », et quand il s’agit de la résurrection des morts : « Comme le Père réveille les morts et les ressuscite, de même aussi le Fils ressuscite ceux qu’il veut. » (Jn. 5,21) Il aurait suffi de dire : « de même ; » mais de surcroît pour rabaisser l’impudence de ses contradicteurs, il ajoute : « ceux qu’il veut », comme preuve de sa pleine puissance. C’est pour cela qu’après avoir dit : « Les actes que fait le Père », il n’ajoute pas, « le Fils les fait également. » « Car tout a été fait par lui, et sans lui rien ne s’est fait. » (Jn. 1,3)
Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/494
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée