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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/522

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dont vous m’avez aimé demeure en eux, et que je demeure moi-même en eux ». S’ils apprennent qui vous êtes, alors ils sauront que je ne suis point séparé de vous, que je suis votre bien-aimé, votre Fils, uni étroitement à vous. Ceux qui croiront cela, comme il est juste de le croire, auront une véritable foi en moi, et m’aimeront d’un véritable amour. S’ils m’aiment comme il faut, je demeurerai en eux. Ne remarquez-vous pas bien, mes frères, que le divin Sauveur finit son discours par ce qu’il y a de plus excellent : Par l’amour, qui est la source de toutes sortes de biens ?
Croyons donc en Dieu, mes chers frères, croyons en Dieu, et aimons-le, de peur qu’on ne dise de nous : « Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renoncent par leurs œuvres » (Tit. 1,16) ; et encore : « Il a renoncé à la foi, et est pire qu’un infidèle ». (1Tim. 5,8) L’infidèle assiste ses serviteurs, ses proches, et même les étrangers ; mais vous, vous n’avez même pas le moindre soin de votre famille. Quelle excuse aurez-vous un jour, vous qui êtes cause qu’on blasphème et qu’on outrage Dieu ? Considérez, examinez sérieusement, combien le Seigneur vous a donné d’occasions de faire le bien : ayez pitié de celui-ci, vous dit-il, comme de votre sang ; ayez pitié de celui-là, comme de votre ami ; de celui-là, comme de votre voisin ; de l’autre, comme de votre concitoyen ; et de cet autre, parce qu’il est homme. Que si rien de tout cela n’est capable de vous toucher, ni de vous faire remplir votre devoir ; que si vous rompez tous ces liens, écoutez saint Paul qui vous dit que vous êtes pire qu’un infidèle ; puisque l’infidèle, encore qu’il n’ait pas entendu parler de l’aumône, ni des choses célestes, vous a surpassé en humanité. Il vous est ordonné d’aimer vos ennemis, et vous regardez vos proches comme vos ennemis, et vous ménagez plus votre argent que le corps de vos frères.. Toutefois ces richesses, quand vous les aurez dispersées et consumées, ne souffriront aucun dommage ; mais celui-ci périt, parce que vous l’avez négligé, parce que vous lui avez refusé votre secours. Quelle est donc cette manie d’épargner ainsi votre bien, et de ne tenir nul compte de vos parents ? Comment cette passion pour les richesses s’est-elle si fortement allumée dans votre cœur ? D’où vous vient tant d’inhumanité et aine si grande cruauté ?
4. Supposons ici, mes frères, qu’un homme assis sur un trône extrêmement élevé, découvre de là tout-le monde ; ou plutôt, si vous le voulez, considérons seulement ce qui se passe dans cette ville : supposons quelqu’un assis sur une haute éminence, d’où il verrait et contemplerait toutes les actions des hommes. Quels excès, quelles folies ne découvrirait-il pas en eux ! que de larmes il verserait, que d’éclats de rire. Il jetterait ! quelle haine ne concevrait-il pas ? de quelle horreur son âme ne serait-elle pas saisie ? Car nous faisons des choses qui sont dignes de risée, de colère, de larmes, d’indignation et de haine. Celui-ci nourrit des chiens pour prendre des bêtes sauvages, et il se rend sauvage lui-même : celui-là nourrit des ânes et des taureaux pour transporter des pierres, tandis qu’il refuse du pain à des hommes qui meurent de faim. Tel autre dépense un argent immense à faire des hommes de pierre ; et les véritables hommes, qu’il délaisse, deviennent aussi des hommes de pierre dans leur détresse profonde. Cet autre amasse à grands frais des lames d’or, pour en couvrir ses murailles, et voit-il un pauvre tout nu, il n’en est nullement touché. D’autres ajoutent habits sur habits, en inventent tous les jours de nouveaux, pendant que ce malheureux n’a pas de quoi couvrir sa nudité.
Les tribunaux sont pleins de gens qui se dévorent les uns les autres. Celui-ci dissipe son bien avec des femmes débauchées et des parasites, celui-là avec des comédiens et dés danseurs ; un autre se ruine à bâtir de superbes édifices ; un autre, à acheter des terres et des maisons. Celui-ci suppute des intérêts, celui-là des intérêts d’intérêts. Celui-là rédige des contrats homicides, il passe les nuits sans dormir, et ne veille qu’à la destruction et à la ruine des autres. Le jour venu, l’un court à un trafic injuste, un autre à des débauches et à des dissolutions ; un autre à des concussions et à des rapines. Nous sommes vifs et ardents pour les choses inutiles ou défendues, et pour les choses nécessaires nous n’avons ni âme ni sentiment.
Les juges n’ont que le nom de juges ; au fond ils sont des voleurs et des homicides. Si l’on examine les procès et les testaments, on y trouve mille injustices, fraudes, vols, perfidies. Tout le temps se passe à ces sortes d’occupations. On n’en a point à donner aux choses spirituelles, dont on ne fait aucun cas.