Page:Chtchédrine - Trois contes russes.djvu/55

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voir. » Car son cœur, à elle, n’avait évidemment pas été touché par la grâce divine descendue si subitement sur Prokoritch. Mais ce n’était pas facile d’arrêter celui-ci ; il continuait à verser des larmes amères et à parler sans cesse.

« Si malheur pareil au mien arrive à un homme, disait-il, c’est que c’était écrit ; cela devait arriver ; cet homme était prédestiné au malheur. En s’examinant, en cherchant à se définir lui-même, cet homme n’osera plus dire : « Je suis un commerçant, je suis un marchand. » Il ne pourrait s’exprimer ainsi sans un trouble profond. Il doit dire simplement : « Je suis un malheureux. »

Prokoritch se livra pendant toute cette journée à ces exercices de haute philosophie, et, bien qu’Arina Ivanovna se fût résolument opposée au projet de son mari de briser la vaisselle et de verser le vin dans