Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/182

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d’Agathinus, dont Verrès avait entendu parler. Aussi aima-t-il mieux loger chez le gendre d’Agathinus. Il ne s’était écoulé qu’une seule nuit, et déjà il chérissait Dorothéus, au point que tout semblait commun entre eux : il avait des égards pour Agathinus comme pour un allié et un parent : déjà même il paraissait dédaigner cette statue d’Himère ; la figure et les traits de la femme de son hôte le charmaient bien davantage.

XXXVII. Il exhorte donc ces deux hommes à susciter à Sthénius quelque procès, à forger quelque chef d’accusation. Ceux-ci répondent qu’ils ne savent de quoi l’accuser. Il leur déclare que tout ce qu’ils voudront imputer à Sthénius trouvera créance à son tribunal. Ils n’attendent pas même au lendemain : dès le jour même, ils font assigner Sthénius, et l’accusent d’avoir falsifié les registres publics. Sthénius objecte que cette accusation de faux lui est intentée par deux de ses concitoyens, et que l’affairé doit être jugée par la loi du pays ; que le sénat et le peuple romain, pour prix de l’amitié et de la fidélité constante des Thermitains, leur ont rendu leur ville, leurs campagnes et leurs lois ; que, depuis, Publius Rupilius, d’après un sénatus-consulte et de l’avis de dix députés, a donné aux Siciliens des lois en vertu desquelles ils se jugeraient entre eux ; que Verrès lui-même dans son édit a confirmé ces décisions. Il demande, en conséquence, à être jugé d’après les lois siciliennes. Verrès, cet homme rempli d’équité, si étranger à toute passion, déclare qu’il connaîtra de l’affaire : il ordonne à Sthénius d’être prêt à plaider sa cause à la huitième heure. Il n’y avait point d’obscurité sur le dessein de ce misérable : lui-même ne l’avait pas tenu secret, et la femme de Dorothéus n’avait pu se taire. On comprit qu’après avoir condamné Sthénius sans aucune preuve et sans témoin, l’infâme préteur voulait faire subir à un homme noble, à un homme de cet âge, à son hôte, le supplice atroce des verges. Ce projet étant manifeste, Sthénius, de l’avis de ses amis et de ses hôtes, quitte Thermes et se réfugie à Rome. Il aimait mieux se confier à l’hiver et aux vagues, que de ne pas éviter ce fléau, cette tempête si funeste à tous les Siciliens.

XXXVIII. Verrès, homme ponctuel et vigilant, entre en séance à la huitième heure. Il ordonne d’appeler Sthénius : mais voyant qu’il ne se présente pas, enflammé de dépit, égaré par la colère, il envoie des esclaves de Vénus à la maison de l’accusé ; il dépêche des cavaliers dans les environs de ses terres et de ses maisons de campagne, et, pour attendre des nouvelles, il ne quitte pas le forum avant la troisième heure de la nuit. Le lendemain, dès le matin, il y descend ; il mande Agathinus, lui ordonne de prendre la parole sur la falsification des registres contre Sthénius absent. Telle était la cause, que celui-ci, même sans adversaire, et devant un juge ennemi de l’accusé, ne trouvait rien à dire. Aussi, se borne-t-il à établir en un mot que, sous la préture de Sacerdos, Sthénius a falsifié les registres publics. À peine a-t-il dit ces paroles, Verrès prononce : Sthénius nous semble avoir falsifié les registres publics. Et il ajoute, cet homme tout à Vénus, chose nouvelle et sans exemple : Pour ce crime, cinq cent mille sesterces,