Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/290

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produits : la chose on vaut la peine. Voyons-les, et je n’insiste plus. Cependant, si vous aviez acheté, pourquoi Calidius se plaignait-il a Rome que, depuis tant d’années qu’il fait le commerce en Sicile, vous seul l’avez assez dédaigné, assez méprisé pour le dépouiller, ainsi que le dernier des Siciliens ? S’il vous les avait vendus librement, pourquoi assurait-il qu’il les réclamerait devant les tribunaux ? Et comment vous dispenser de les rendre ? Caiidius est l’intime ami de L. Sisenna, votre défenseur ; et vous avez rendu aux autres amis de Sisenna.

Nierez-vous que votre fidèle Potamon ait restitué de votre part l’argenterie de L. Cordius, citoyen honnête sans doute, mais qui n’a pas plus de droits que Caiidius à la considération publique ? C’est même ce Cordius qui a fait tort aux autres. Plusieurs avaient votre parole ; mais depuis qu’il a déposé que vous lui aviez fait restitution, vous avez pris le parti de ne plus rendre, puisqu’en lâchant la proie, vous ne fermiez pas la bouche aux témoins. Avant vous, tous les préteurs avaient permis à Calidius de posséder une belle argenterie. Lorsqu’il invitait un magistrat, ou quelque citoyen d’un rang supérieur, il avait le droit d’orner et de parer sa table de ses richesses domestiques. Des hommes revêtus de l’autorité ont souvent été reçus dans sa maison. Nul d’eux n’a jamais été assez extravagant pour enlever cette argenterie si belle et si justement admirée, assez audacieux pour la demander, assez impudent pour lui proposer de la vendre. N’est-ce pas en effet, dans un préteur, le comble de l’orgueil et l’excès du despotisme que de dire a un de ses administrés, homme honnête, opulent, qui tient un grand état : Vendez-moi vos vases ciselés. C’est lui dire : Vous n’êtes pas digne de posséder de si beaux ouvrages ; ils sont faits pour un homme comme moi. Un homme comme vous, Verres ! Je ne ferai pas à Calidius l’injure de comparer votre vie avec la sienne, sa réputation avec la vôtre. Mais dans les choses mêmes sur lesquelles vous fondez votre prétendue supériorité, qu’avez-vous plus que lui ? Quatre-vingt mille sesterces remis aux distributeurs, pour vous faire nommer préteur, trois cent mille donnés pour acheter le silence d’un accusateur, vous assurent-ils le droit de mépriser, de dédaigner l’ordre des chevaliers, et de trouver mauvais que Calidius possède plutôt que vous des choses qui vous plaisent ?

XXI. Il y a longtemps qu’il triomphe sur cet article : il va disant partout qu’il a payé. Eh bien ! Verrès, avez-vous payé aussi la cassolette de L. Papirius ? Ce chevalier romain, également distingué par son rang et sa fortune, a déposé que l’ayant demandée pour la voir, vous la renvoyâtes après en avoir détaché les reliefs ; car il faut que vous sachiez, citoyens, que de la part de Verrès c’est affaire de goût, et non cupidité : ce n’est point la matière, c’est l’art qu’il recherche. Papirius n’est pas le seul qui se soit aperçu de ce noble désintéressement ; Verrès s’est conduit suivant les mêmes principes dans l’examen de toutes les cassolettes qui existaient en Sicile. Or vous ne pourriez concevoir quel en était le nombre, quelle en était la beauté. Il est probable que cette province, dans les temps de sa gloire et de sa splendeur, possédait une infinité de chefs-d’œuvre en ce genre ; car avant la préture de Verrès, il