Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/517

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VII. Que faut-il craindre, en effet, quand on fonde une colonie ? Les délices ? Capoue a corrompu Annibal lui-même. L’orgueil ? il semble né chez les Campaniens de la satiété. Une garnison suspecte ? Celle qui protégerait Capoue serait moins l’auxiliaire que l’ennemie de Rome. Et que ne fait-on pas, dieux immortels ! pour fortifier cette colonie ? Dans les guerres puniques, tout ce que Capoue avait de puissance, elle l’avait en elle seule : aujourd’hui, ses nouveaux colons vont occuper, au gré des décemvirs, toutes les cités qui l’environnent. Car c’est pour cela même que la loi permet aux décemvirs « DE CONDUIRE CEUX QU’ILS VOUDRONT DANS LES VILLES QU’ILS JUGERONT CONVENABLES. » Elle ordonne donc de distribuer à ces intrus les terres de la Campanie et celles de Stellate.

Je ne me plains pas de la diminution de nos revenus, de la honte de ce déficit et du dommage qui doit en résulter ; j’omets d’autres inconvénients dont il n’est personne qui ne se plaigne sérieusement et légitimement ; tel est d’abord l’abandon de la plus belle propriété du peuple romain, laquelle est notre ressource dans la disette, le dépôt de nos subsistances pendant la guerre, et repose, pour ainsi dire, sous le sceau protecteur de la république ; c’est ensuite l’exploitation octroyée à Rullus d’un territoire qui avait échappé à la domination spoliatrice de Sylla, aux largesses des Gracques. Je ne dis pas que le revenu de ce territoire est le seul qui nous reste quand nous perdons les autres, qui soit toujours actif quand les autres sont suspendus, magnifique en temps de paix, intarissable en temps de guerre ; qui soutienne nos soldats et ne craigne pas l’ennemi : je néglige toutes ces considérations, que je réserve pour l’assemblée du peuple. Je parle maintenant du péril qui menace notre salut, notre liberté. Quel sera, pensez-vous, votre partage dans le gouvernement ; que conserverez-vous de votre liberté, de votre dignité, lorsque Rullus, et d’autres dont vous vous effrayez encore davantage, avec une troupe de gens besogneux et pervers, avec les plus grands secours d’hommes et d’argent, seront les maîtres de Capoue et des villes voisines ? Quant à moi, pères conscrits, j’opposerai à ces hommes une résistance énergique, opiniâtre, et je ne souffrirai pas, moi consul, qu’ils exécutent un complot dès longtemps médité contre la patrie.

Vous vous trompiez grossièrement, Rullus, vous et quelques-uns de vos collègues, lorsque vous espériez, en dépit d’un consul plus populaire que vous, sans affecter de l’être, marcher à la popularité sur les ruines de la république. Je vous provoque donc, je vous mande à l’assemblée du peuple ; c’est le peuple que je veux pour arbitre entre vous et moi.

VIII. Si nous examinons en effet toutes les choses qui conviennent, toutes celles qui sont agréables au peuple, nous ne trouvons rien d’aussi conforme à ses goûts que la paix, l’union, le repos. Vous, au contraire, m’avez livré la cité inquiète et défiante, irrésolue et craintive, troublée par vos lois, vos harangues et vos menées séditieuses ; vous avez montré l’espérance aux méchants, jeté l’effroi dans l’âme des bons, chassé le crédit du forum, et enlevé sa dignité à l’État. Au milieu de ce désordre dans les affaires, de cette perturbation dans les esprits, quand le consul