Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/518

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aura fait entendre sa voix au peuple, déployé son autorité, et jeté la lumière au sein des ténèbres ; quand il aura montré qu’on ne doit craindre ni armée, ni faction, ni colonie, ni vente de revenus publics, ni pouvoir nouveau, ni tyrannie décemvirale ; qu’on ne verra pas sous son consulat une autre Rome, un autre siège de l’empire ; qu’on jouira enfin d’une tranquillité profonde et d’une paix bien assise ; nous ne redouterons plus, je pense, que votre admirable loi agraire soit plus populaire que mes raisons. Et quand j’aurai dévoilé la scélératesse de vos intentions, le mensonge de la loi, et les machinations perfides dressées contre le peuple romain lui-même, par des tribuns populaires, je craindrais, Rullus, de vous tenir tête dans une assemblée du peuple, moi, dont la volonté, la résolution est de gérer mon consulat de la seule manière qu’il doit l’être, c’est-à-dire, gravement, librement, sans briguer ni province, ni honneur, ni distinction, ni avantage d’aucune espèce qui puisse soulever l’opposition d’un tribun du peuple ! Oui, dans ce jour des calendes de janvier, en présence de cette nombreuse assemblée du sénat, votre consul déclare que, si la république reste en l’état où elle est maintenant, s’il ne survient pas d’obligation nouvelle à laquelle il ne pourrait se soustraire, sans blesser l’honneur, il n’acceptera le gouvernement d’aucune province. Ainsi, ma conduite sera telle dans cette magistrature, que j’aurai le pouvoir de réprimer les colères d’un tribun, si elles s’adressent au peuple, de les mépriser, si ce n’est qu’à moi.

IX. Je vous en prie donc, tribuns du peuple, au nom des dieux immortels, rentrez en vous-mêmes ; abandonnez ceux qui, si vous n’y prenez garde, ne tarderont guère à vous abandonner ; conspirez avec nous ; unissez-vous aux honnêtes gens, et confondez votre zèle et votre patriotisme dans la défense du salut commun. Mille maux inconnus assiègent la république, mille complots parricides sont tramés contre elle par des scélérats ; cependant le danger n’est nulle part au dehors, et nous n’avons à craindre ni roi, ni peuple, ni nation : le mal est ici, il est au sein de Rome et sous nos propres yeux ; nous devons tous y porter remède, et tous travailler à le guérir. Vous vous trompez, tribuns, si vous pensez que le sénat seul approuve mes paroles, et que le peuple a d’autres sentiments. Quiconque veut se sauver, entendra la voix imposante d’un consul, sans arrière-pensées ambitieuses, sans reproches, circonspect dans le danger, mais intrépide dans la lutte. Que s’il en est un parmi vous qui se flatte de pouvoir arriver aux honneurs par des voies perturbatrices, qu’il cesse d’abord de l’espérer sous mon consulat, et qu’il apprenne ensuite, par l’exemple de moi-même, consul né, comme il le voit, dans les rangs des chevaliers, quelle route conduit plus facilement les bons citoyens aux honneurs et à la considération. Et vous, pères conscrits, si vous m’assurez le concours de votre zèle dans ma défense de notre dignité commune, je saurai remplir, n’en doutez pas, le vœu le plus cher de la république, et restituer enfin à celle-ci l’autorité dont le sénat jouissait chez nos aïeux.