Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/560

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valiers ! dieux immortels ! c’était cette génération qui tenait une si grande place dans l’État et occupait toute la hiérarchie des tribunaux ; lorsque enfin les citoyens de tous les ordres, qui croyaient leur salut attaché à celui de la république, avaient pris les armes : que devait donc faire C. Rabirius ? Je vous le demande à vous-même, Labiénus : lorsque les consuls, en vertu d’un sénatus-consulte, avaient appelé les citoyens aux armes ; lorsque M. Emilius, prince du sénat, s’était armé et avait pris son poste dans le comice, lui qui, pouvant à peine marcher, pensait que la faiblesse de ses jambes, en l’empêchant de fuir, ne l’empêcherait pas de poursuivre l’ennemi ; lorsque Q. Scévola lui-même, épuisé de vieillesse, accablé par la maladie, privé d’un bras, impotent et perclus de tous ses membres, appuyé sur un javelot, montrait à la fois l’énergie de son âme et l’infirmité de son corps ; lorsque L. Métellus, Serv. Galba, C. Serranus, P. Rutilius, C. Fimbria, Q. Catulus, et tout ce qu’il y avait alors de consulaires, s’étaient armés pour le salut commun ; lorsque de toutes parts on voyait accourir et les préteurs, et la noblesse, et tous les hommes en âge de combattre ; lorsque Cn. et L. Domitius, L. Crassus, Q. Mucius, C. Claudius, M. Drusus ; lorsque tous les Octaves, les Métellus, les Jules, les Cassius, les Catons, les Pompées ; lorsque L. Philippe, L. Scipion ; lorsque M. Lépidus, lorsque D. Brutus, lorsque P. Servilius lui-même, sous le commandement duquel vous avez servi, Labiénus ; lorsque Q. Catulus, ici présent, et sijeune alors ; lorsque C. Curion, lorsque enfin les hommes les plus illustres s’étaient rangés autour des consuls, que devait donc faire C. Rabirius ? Devait-il rester caché dans un réduit obscur, et chercher dans le fond de sa demeure et au milieu des ténèbres un rempart pour couvrir sa lâcheté ? Devait-il marcher au Capitole, et se joindre avec votre oncle à ce ramas de misérables, qui tous perdus d’opprobre, n’avaient d’autre refuge que la mort ? Ou bien devait-il se réunir à Marius, à Scaurus, à Catulus, à Métellus, à Scévola, en un mot, à tous les bons citoyens, pour être sauvé ou périr avec eux ?

VIII. Vous-même enfin, Labiénus, que feriez-vous dans de telles circonstances et au milieu d’un tel péril ? Lorsque la peur vous conseillerait de fuir et de vous cacher ; lorsque la scélératesse et les fureurs de Saturninus vous réclameraient au Capitole, et que les consuls vous appelleraient à la défense de la patrie et de la liberté, de qui reconnaîtriez-vous l’autorité ou la voix ? Quel parti voudriez-vous embrasser, à qui voudriez-vous obéir ? Mon oncle, dites-vous, était avec Saturninus. Et votre père, avec qui était-il ? Et les chevaliers romains, vos parents ? Et toute votre préfecture, tout votre canton, tout votre voisinage, et le Picénum tout entier, est-ce aux fureurs du tribun qu’ils ont obéi ou à l’autorité des consuls ? Non, je le soutiens, ce que vous vantez ici dans votre oncle, personne n’a encore osé l’avouer pour soi-même ; non, il ne s’est rencontré personne d’assez pervers, d’assez corrompu, d’assez dépourvu de tout sentiment honnête et de tout