Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/691

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que les étrangers disent de vous, mais à ce que vous prononcez vous-mêmes sur le caractère de vos peuples.

Toute votre Asie, je pense, est composée de la Phrygie, de la Mysie, de la Carie, de la Lydie. Est-ce de nous ou de vous que vient ce proverbe : UN PHRYGIEN BATTU EN DEVIENT-IL MEILLEUR ? Et pour toute la Carie, n’est-ce pas une chose reçue parmi vous, que si l’on veut essayer une périlleuse expérience, il faut la faire sur un Carien ? Quoi de plus usité, de plus vulgaire chez les Grecs, que d’appeler le dernier des Mysiens l’homme que l’on méprise le plus ? Que dirai-je de la Lydie ? quel Grec fit jamais une comédie où l’esclave jouant le rôle principal, ne fût un Lydien ? Est-ce donc vous faire injure que de vouloir nous en tenir, sur votre compte, à votre propre jugement ?

Je crois avoir assez parlé, et même plus qu’il ne faut, des témoins asiatiques en général : c’est à vous, Romains, si j’ai oublié quelque chose, de suppléer par vos réflexions à tout ce qu’on pourrait ajouter sur la légèreté, l’inconstance et la passion de ces hommes.

XXVIII. Vient ensuite l’or des Juifs, et cette imputation si odieuse. Voilà, sans doute, pourquoi cette cause est plaidée auprès des degrés Auréliens ; c’est pour ce chef d’accusation, Lélius, que vous avez choisi ce lieu et cette foule de Juifs qui nous entourent. Vous savez quel est leur nombre, leur union, leur pouvoir dans nos assemblées. Je parlerai bas, de manière à n’être entendu que des juges. Comme il ne manque pas de gens qui animent contre moi et contre les meilleurs citoyens ceux que vous protégez, je ne veux pas fournir ici de nouvelles armes à leur malveillance.

C’était la coutume de transporter tous les ans de l’Italie, et de toutes les provinces, à Jérusalem, de l’or amassé par les Juifs ; un édit de Flaccus défendit cette exportation aux Asiatiques. Qui pourrait, juges, ne pas approuver une telle mesure ? Le sénat, par les décrets les plus sévères, avant et sous mon consulat, défendit de transporter de l’or. Il y avait de la sagesse à rompre le cours d’une superstition barbare ; de la fermeté à braver, pour le bien de la république, cette multitude de Juifs, qui troublent quelquefois nos assemblées. Mais, dit-on, Pompée, vainqueur et maître de Jérusalem, n’a touché à rien dans le temple. C’est de sa part, entre mille autres, un trait de prudence, de n’avoir point donné lieu aux discours de la calomnie dans une ville aussi soupçonneuse et aussi médisante. Car ce n’est pas, je crois, la religion des Juifs, d’un peuple ennemi, mais sa propre modération, qui a retenu cet illustre général. Où donc est ici le délit ? Vous ne nous reprochez aucun vol ; vous ne pouvez condamner l’ordonnance de Flaccus ; vous convenez que le sénat a prononcé, qu’un jugement a été rendu, que cet or a été recherché et produit au grand jour ; les faits mêmes prouvent que ce ministère a été rempli par des hommes de la première distinction. Dans la ville d’Apamée, l’or a été saisi aux yeux de tout le monde, et un peu moins de cent livres ont été pesées dans la place publique, aux pieds du préteur, par Sext. Césius, chevalier