Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/692

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romain, homme intègre et désintéressé. À Laodicée, L. Péducéus, un de nos juges, en a pesé lui-même un peu plus de vingt livres ; à Adramyttium, Cn. Domitius, lieutenant de la province, a fait aussi cet examen ; on en a saisi fort peu à Pergame. Enfin, on sait le compte de l’or ; il a été versé dans le trésor public. On ne nous reproche pas de vol, on cherche à nous rendre odieux ; on se tourne vers le peuple, on déclame avec affectation du côté de la multitude qui environne le tribunal. Chaque ville a son culte, Lélius ; nous avons le nôtre. Lorsque les Juifs étaient en paix avec nous, et Jérusalem florissante, nous trouvions cependant les cérémonies de leurs sacrifices trop peu dignes de la majesté de notre empire, de la splendeur de notre nom, des institutions de nos ancêtres : elles le sont encore plus à présent que cette nation a fait connaître, en nous faisant la guerre, ses sentiments pour la république ; et que les dieux immortels, en permettant qu’elle fût vaincue et tributaire, ont montré leur sollicitude pour elle !

XXIX. Ainsi, puisque vous voyez tourner entièrement à notre louange la chose même dont vous avez voulu nous faire un reproche, passons maintenant aux plaintes des citoyens romains. Commençons par celle de Décianus. De quoi donc, enfin, Décianus, avez-vous à vous plaindre ? Vous commercez dans une ville libre. D’abord, permettez-moi un peu de curiosité. Le commerce sera-t-il longtemps encore l’unique soin d’un homme de votre naissance ? Il y a déjà trente ans que vous vivez dans la place publique, je dis de Pergame. Vous ne venez à Rome que de loin à loin, s’il vous prend envie de voyager ; vous y apportez un visage nouveau, un ancien nom, de la pourpre de Tyr. Je vous envie cette pourpre ; il y a si longtemps qu’elle vous fait briller ! Mais soit ; votre goût est de commercer : et pourquoi ne commercerait-on pas à Pergame, à Smyrne, à Tralles, où il y a nombre de citoyens romains, où la justice se rend par nos magistrats ? Le repos vous plaît, dites-vous : vous ne pouvez souffrir la foule, le préteur, les procès ; vous aimez la liberté des Grecs. Pourquoi donc les habitants d’Apollonide, ces alliés si fidèles et si dévoués au peuple romain, sont-ils traités par vous plus durement qu’ils ne le furent jamais par Mithridate, ou même par votre père ? pourquoi les rendez-vous malheureux ? pourquoi ne leur permettez-vous pas de jouir de leur liberté ? pourquoi ne peuvent-ils pas être libres ? Ce sont les hommes de toute l’Asie les plus sages, les plus réglés dans leurs mœurs, les plus éloignés du luxe et de la légèreté des Grecs ; des pères de famille contents de ce qu’ils ont ; de bons agriculteurs aimant la campagne : ils ont des terres naturellement fertiles, que les soins et la culture rendent meilleures encore. Vous avez peut-être voulu avoir des fonds dans leur territoire. J’aurais mieux aimé, si de bonnes terres avaient quelque attrait pour vous, que vous en eussiez acquis près de nous, dans le territoire de Crustuminum ou de Capène. Mais, à la bonne heure, suivant un mot de Caton : On est dédommagé de l’éloignement par le bon marché. Il y a loin du Tibre au Caïque, sur les bords duquel Agamemnon lui-même se serait égaré avec son armée, s’il n’eût trouvé Télèphe pour lui servir de guide. Mais je vous le passe : la ville vous plaisait, le pays vous a charmé : au moins fallait-il acheter.

XXX. Amyntas est le premier d’Apollonide par l’estime et la considération dont il jouit, par sa naissance et par ses richesses. Décianus attira